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Le moral de la population du pays inventeur des droits de l’homme n’est pas au plus haut. Ce constat, déjà un peu ancien, n’est pas sans conséquences: la France est en tête du nombre de suicides comme de la consommation d’anxiolytiques et autres antidépresseurs. L’économie est morose, les problèmes sociaux croissants, l’ambiance générale plutôt sombre. Mais pourquoi donc ?

vivre sans argent

La France est capable du pire comme du meilleur. Ce pays aime s’emballer, vibrer autour de grands événements. Les Français savent qu’ils représentent quelque chose dans le monde, de par leur histoire et leur place dans le concert des nations : de la révolution de 1789 en passant par la Commune, la première et la seconde guerre mondiale, la création de l’ONU, leur rôle durant la guerre froide, l’agriculture, le rayonnement culturel… De nombreux éléments soulignent le caractère unique de ce pays. Et de ses habitants.

Jusqu’à la fin des années 90, les acquis français ont suffit à maintenir un ensemble social et économique cohérent, à laisser entendre à la population que le projet national continuait à se déployer. Chacun pouvait encore, même sans avoir fait de grandes études, travailler, partir en vacances, acheter un bien, faire des économies. Et rêver un avenir meilleur. Mais à cette époque, la fin des années 90, le projet national a changé de tournure, et s’est focalisé sur un mot: l’Europe.

Il fallait, à cette époque pas si lointaine, participer à un mouvement de fond, celui de la mondialisation de l’économie, et empêcher la marginalisation (politique et surtout économique selon les promoteurs de cette logique) du pays. Il fallait se souder au niveau du vieux continent, se hisser à un niveau supérieur, et l’effort collectif allait permettre de faire face à ce défi.

C’est quoi le projet?

L’Euro, mis en circulation en 2002 était la dernière pierre de ce dispositif débuté à la fin des années 50 et accepté en France par voie référendaire en 1992. Le projet européen devait donc remplacer le projet national. Pourquoi pas ? Oui, sauf que…

Quant le citoyen devient un code barre

Une fois l’euro mis en place les dirigeants politiques et économiques ont sifflé la fin de la récréation. Désormais, le projet était devenu relativement simple et sans nuances : faire des profits, à l’échelle de la planète, en utilisant tous les moyens mis à disposition pour y parvenir. Les grandes délocalisations de production, la désindustrialisation, se sont accentuées, les biens ont pu circuler en toute liberté.

Quant aux citoyens, ils ont regardé passer les trains des réglementations de la Commission européenne (non élue), des lois sécuritaires boostées à la technologie devenue très bon marché. Le marché unique porte bien son nom, et le Français a bien compris qu’il en est un rouage.

Le projet collectif franco-bruxellois français est trivial, vulgaire, abrutissant, monotone. Il est triste et répétitif, basé sur l’individualisme, la compétition entre individus, il n’a comme objet qu’une seule constante, celle de l’enrichissement financier.

Consommer

Consommer, travailler (ou chercher un emploi), être surveillé : le fronton des mairies devrait être remplacé par ces mots au lieu de ceux censés représenter cette nation de philosophes, la France. Quand un pays où la respiration démocratique est normalement rythmée par des manifestations et des contestations sociales fortes, voit ses dirigeants politiques couvrir le territoire de radars et de caméras, voter des lois de surveillance numérique militaire, il est temps de se poser des questions sur sa véritable vocation. En réalité, le citoyen français est devenu un produit à code barres, et il le sait.

Bienvenus dans le grand supermarché français

Au final, le pays de mai 68, des grands intellectuels, de l’excellence industrielle, des artistes hors-normes, des poètes et des grands mouvements ouvriers, des bons-vivant, des contestataires, ce pays raffiné, fier, grognon mais humaniste, ouvert et curieux, accueillant, à la jeunesse souvent fougueuse, est devenu le pays des ronds-points et des hypermarchés.

Un pays où la jeunesse court après des gadgets technologiques fabriqués en Asie, où les plus âgés tentent de copier la jeunesse, tout en se demandant quelle pourrait être l’alternative à la vie de merde qu’ils subissent, faite de pressions professionnelles doublées de difficultés financières permanentes.

Quand un pays fait le choix de recouvrir chaque parcelle de terrain constructible de grandes surfaces commerciales et de villages dortoirs lotissements , laisse à elles-mêmes des populations entières, se préoccupe plus de faire rentrer de l’argent dans les caisse de l’État que de faire vivre un projet collectif, décide que le citoyen est un plus grand ennemi que les rapaces de la finance internationale, nul ne sait ce qu’il peut survenir.

Pour l’heure, les Français ont choisi massivement de déprimer. Une partie est aussi prête à activer son mécontentement dans les urnes, et le reste ?

Lorsque le citoyen est traité comme un produit à code-barre tout peut arriver, mais que ceux qui ont participé à cet état de fait ne se leurrent pas: à terme, la société qu’ils fabriquent ne se contentera peut-être pas seulement de leur tendre la fesse droite pour être scannée.

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