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Tribune de Nacira Guénif-Souilamas (sociologue, anthropologue, université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis…), fille d’immigrants algériens. Même si le FN n’est pas nommé dans le texte, la photo illustrant l’article est celle de Marine Le Pen.

Un avenir quadrillé par les phobies : xéno, roma, islamo, arabo, négro, judéo, gyno, trans, homo. Un avenir réglé par l’arythmie des cœurs qui s’épanchent dans la haine et la peur. Bref, une descente aux enfers.

Les 23 et 30 mars, on ne sera pas à la fête. Personne ne sera à la fête. Ni celles et ceux pour qui la gauche est devenue un mirage objet de fables nostalgiques, ni leurs adversaires requinqués qui entendent que l’ordre des choses (et des genres) soit rétabli, et leurs affaires et intérêts de nouveau gérés avec célérité et obséquiosité par l’intendance politique.
Pas à la fête, les uns et les autres, parce qu’il faut bien admettre que ce qui parcourra les corps et hantera les esprits, ce sera la décharge xénophobe devenue un sentiment légitime, un racisme vertueux, dirigeant la main vers le bulletin qui tue quand il ne convainc pas de se détourner des urnes.
Une décharge raciste toute en émotion, dans la droite lignée de la brutalisation du monde qu’ont connu l’Europe et la France durant les heures sombres de leur fascisation. Un racisme devenu vertueux parce qu’il serait la dernière expression d’un patriotisme vitaliste, dont il n’est plus seulement question de s’accommoder, mais qu’il convient de célébrer comme l’avenir d’un genre humain. […] Pour raison d’Etat frileux, pour cause de patriotisme ranci, et de capitalisme porté sur la marge de progression, et des trois coalisés pour entonner la rhétorique d’un sauvetage civilisationnel, ces officiants du conservatoire des privilèges sont avides de victimes consentantes avant que d’être expiatoires.
Or, le seul crime de ces dernières est d’être ce qu’elles sont : ne pas cadrer avec la règle du jeu civilisé dictée par ses maîtres, hommes blancs hétérosexistes et ré/actionnaires, et leurs complices féminines. Ce crime insu et involontaire justifie à terme leur exécution, réelle ou symbolique. Rien ne dit que cela ne continuera pas. […] Le Monde

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