Moody’s, la célèbre agence de notation financière a abaissé d’un cran lundi la note de la dette de l’Argentine, rétrogradant cette dernière de B3 à Caa1. Raisons invoquées : la baisse des réserves de change du pays assortie selon elle de mesures politiques « inadaptées ».
Faible élément positif : Moody’s attribue une note stable à la perspective du pays, ce qui signifie qu’elle n’envisage pas un nouvel abaissement de la note à moyen terme.
L’agence de notation s’inquiète tout particulièrement du fait que le pays ne pouvant actuellement recourir au marché financier, s’est vu contraint de puiser dans ses réserves afin de contrer la chute du peso et rembourser sa dette.
Selon Moody’s, les réserves de l’Argentine auraient chuté de 52 milliards de dollars en 2011 à 27,5 milliards actuellement, les exportations de soja – pourtant importantes – ne permettant pas au pays de redresser la situation. Une situation due notamment à son déficit énergétique (8 milliards de dollars en 2013). Or, selon l’agence, Buenos Aires n’aura pas d’autre choix que de continuer à puiser dans ce capital en vue de rembourser les quelque « 20 milliards de dollars » qu’elle doit à ses créanciers entre 2014 et 2015.
Pas d’autre issue que de recourir à l’aide du Fmi ?
« Nous allons surveiller les réserves plus que tout », a ajouté Gabriel Torres, analyste de Moody’s . « Si l’Argentine trouve de nouvelles options de financement, quelles qu’elles soient – un appel au marché, une augmentation des prêts bilatéraux, une augmentation des flux de capitaux, quoi que ce soit qui leur facilite les choses – alors ce sera positif en terme de crédit » a-t-il ajouté. Or, l’Argentine est privée d’accès au marché financier depuis 2001, après avoir fait défaut sur sa dette.
Face à une situation économique du pays pour le moins périlleuse, le Fonds Monétaire International a quant à lui récemment proposé son aide, et ce, même si les relations entre l’Argentine et le FMI sont loin d’être au beau fixe depuis la restructuration de la dette argentine survenue en 2001.
« L’économie de l’Argentine se détériore dangereusement » et le FMI serait « heureux » de l’aider, a ainsi déclaré son directeur adjoint, Zhu Min, le 24 janvier dernier. Rappelant toutefois que les deux parties n’avaient «pas de dialogue officiel depuis 2004».
A l’heure actuelle, l’Argentine préfère faire appel à d’autres créanciers, comme la Chine.
Mais désormais Moody’s enfonce le clou. « L’Argentine pourrait par exemple accéder à un financement du FMI mais il faudrait qu’elle ait avec le FMI une relation complètement différente de celle qu’ils entretiennent aujourd’hui », juge ainsi Gabriel Torres. Histoire de pousser le pays dans les « bras » du Fonds Monétaire ?
Une politique gouvernementale inadaptée selon Moody’s
Moody’s estime parallèlement que la « chute des réserves et le manque d’accès aux marchés reflètent tous deux des politiques économiques intenables qui ont conduit à une inflation très élevée, à une dépréciation de la monnaie, à une fuite des capitaux et à une stagnation économique ». Au final, elle considère que la politique gouvernementale est « inadaptée » à la situation.
L’agence considère par ailleurs que les autorités de Buenos Aires n’ont pas respecté leur engagement de baisser les subventions aux prix de l’énergie, alors que ces mesures grèvent les finances publiques.
Si le gouvernement argentin n’a reconnu qu’une inflation de 11 % pour l’année 2013, les instituts privés estiment quant à eux que la hausse des prix a atteint de 25 à 30% l’année dernière. Buenos Aires annonce désormais pour le 2e mois consécutif une inflation mensuelle supérieure à 3%.
Selon les experts, la flambée des prix observée depuis le début de l’année est due notamment à la forte dévaluation du peso argentin face au dollar opérée les 22 et 23 janvier dernier.
Le gouvernement a en effet adopté une nouvelle stratégie monétaire, laissant le peso se dévaluer face au dollar. Une dévaluation aussi brutale n’avait plus été observée dans le pays depuis la crise économique de 2001. Objectif affiché : envoyer des signaux de confiance aux marchés. Et répondre aux demandes des exportateurs, soucieux de pouvoir vendre leurs produits à des prix compétitifs sur les marchés internationaux . Sur les trois premières semaines de l’année, la dévaluation a atteint 18,6%, contre 24% pour toute l’année 2013. Et ce , au grand dam des épargnants et des investisseurs. De nombreuses transactions demeurent gelées, la plus grande incertitude régnant quant à la valeur réelle du peso. Contexte aboutissant au final à créer une dynamique économique très négative.
Après avoir menée une politique interventionniste depuis une dizaine d’années, l’autorité monétaire, la Banque centrale, laisse désormais le peso se déprécier, en une sorte « de traitement de choc » selon les termes mêmes de certains économistes. Référence à peine voilée à la stratégie du choc de l’école de Chicago et des Chicago Boys ?
L’Argentine victime d’une déstabilisation organisée ?
Reste que selon la présidente Cristina Fernandez de Kirchner, les intérêts des grandes institutions bancaires seraient à l’origine des événements actuels. Le Premier ministre Jorge Capitanich estimant pour sa part que la situation fait suite à une attaque de structures intéressées par la déstabilisation de l’Argentine.
Le ministre argentin de l’Economie Axel Kicillof a quant à lui dénoncé une attaque spéculative, pointant du doigt la major pétrolière Shell, laquelle est un des principaux acteurs de l’hydrocarbure dans le pays. « Il y a eu une demande d’achat à 3,5 millions de dollars à 8,40 pesos » émanant de Shell, alors que l’entreprise aurait « pu acheter à 7,20 pesos », a-t-il ainsi déclaré.
Intéressant à noter alors que l’Argentine tente d’attirer des investisseurs étrangers en vue d’exploiter le gigantesque gisement de gaz et pétrole de schiste de Vaca Muerta, lequel place le pays au 3e rang mondial en matière d’hydrocarbures non-conventionnels.
L’objectif de certains lobbies peu scrupuleux pourrait être en effet de plomber de mettre l’économie du pays à genoux … pour arriver en sauveur.