La garde des Sceaux publie un essai sur le racisme, la xénophobie, le malaise identitaire français et les menaces sur la République. Interview dans le Nouvel Obs dans lequel elle estime que «la parole raciste s’exprime désormais à visage découvert».
Comprenez-vous que puisse s’exprimer un malaise identitaire français qui ne soit pas forcément raciste ?
Cette interrogation sur l’identité française, je l’entends, je la vois et je la respecte. Pour y répondre, quittons le terrain des passions et revenons-en aux faits et à l’histoire. Il faut rappeler que, sur à peine trois générations, 25% des Français ont des ascendants étrangers.
Etre français, c’est faire en sorte que la présence du monde sur le territoire de notre pays inspire un destin commun. Et ce destin commun, c’est la nation, et ce depuis la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Même Renan a changé au fil de ses réflexions : il a compris que la nation n’est pas un groupe ethnique mais une communauté civique, liée par un destin commun. La nation française, qui enfante des citoyens égaux, dotés des mêmes droits, se construit contre la tribu, contre la conception ethnique.
Or, aujourd’hui, un parti tribaliste, le Front national, s’est emparé de la nation et «vend» aux Français un ressentiment tribal à l’endroit de boucs émissaires immigrés.
La réponse au malaise identitaire français, c’est donc de rappeler aux citoyens d’où ils viennent et de leur demander quelle histoire ils veulent écrire ensemble. Il faut en revenir au siècle des Lumières qui a produit un vrai basculement. C’est la première fois que les Français ont cessé de se penser seulement en fonction d’un passé commun et ont commencé à comprendre qu’ensemble ils devaient construire un avenir commun. […] Nouvel Obs