Disparu à Paris ce 1er avril à l’âge de 90 ans, il était sans conteste l’un des plus grands médiévistes français. Ses nombreux ouvrages contribuèrent à modifier profondément la connaissance d’un Moyen Âge qu’une tradition séculaire s’évertuait à considérer comme une période obscurantiste.
La Civilisation de l’Occident médiéval, L’imaginaire médiéval, La Naissance du purgatoire… Jacques Le Goff, grand héritier de l’Ecole des Annales de Lucien Febvre et de Marc Bloch fut l’un des principaux initiateurs de la «nouvelle histoire», une discipline anthropologique, non plus spécifique mais globale, communiquant avec les autres sciences sociales, et dont le projet consistait à mettre en regard, pour mieux les comprendre, le passé et le présent. […]
Jacques Le Goff excelle à repérer et à décrire les mouvements qui, tout en la travaillant, composent l’Histoire. Prompt à penser l’ère médiévale en termes de civilisation et à adopter la perspective d’un «long Moyen Age», il s’attache à mettre au jour les rapports, en termes d’héritages comme de changements de paradigmes, qui se tissent entre le Moyen Age et le monde d’aujourd’hui. Pour ce qui est des ruptures, Le Goff insiste sur le tournant du XIIIe siècle, véritable apogée de la Chrétienté à ses yeux. L’historien y situe l’essor d’une société urbaine où les différents groupes (marchands-banquiers, artistes, «intellectuels») se rapprochent dans la mesure où ils se découvrent une communauté d’intérêts. Quant aux continuités, c’est surtout celle de l’Europe qui retient Le Goff: une idée européenne dont il montre, à travers plusieurs livres (L’Europe est-elle née au Moyen Age ?, 2004), qu’elle est en gestation durant le Moyen Age. […]
Le Figaro