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La hausse des prix a encore ralentie en mars en zone euro à seulement 0,5 % contre 0,7 % en mars. Un ralentissement préoccupant qui somme la BCE d’agir jeudi.

Par Romaric Godin

C’est sans aucun doute un choc. Eurostat a rendu public ce lundi sa première estimation d’inflation pour la zone euro en mars. Les prix y ont augmenté de 0,5 % sur un an. C’est une nouvelle décélération de la hausse des prix après la hausse de 0,7 % de février. On s’y attendait certes après les chiffres de l’inflation de mars en Espagne (-0,2 %), en Allemagne (1 %) et en Belgique (0,9 %) publiés vendredi. Il n’empêche.

C’est une nouvelle fois le constat d’échec que la politique monétaire menée par la BCE n’est pas en mesure de freiner les forces déflationniste.

Ce chiffre est tout simplement le plus faible depuis novembre 2009. Mais alors, la zone euro sortait d’une période d’inflation négative. Elle pourrait y revenir cette fois.

Les arguments contre la déflation faiblissent

Ce risque de déflation, agité depuis longtemps, mais toujours rejeté par la BCE et beaucoup d’économistes, est-il réel ? Ce qui est certain, c’est que les arguments de ces derniers contre la déflation semblent de plus en plus s’effriter. Mario Draghi a ainsi passé l’automne et l’hiver à expliquer qu’il ne voyait pas de logique déflationniste à l’œuvre, où « il y aurait une baisse générale et autoentretenue des prix. » Mais on voit que le recul de l’inflation touche désormais l’ensemble de la zone euro, y compris l’Allemagne qui n’a connu en mars qu’une hausse mensuelle de 0,3 % de ses prix.
Les experts ont aussi mis en avant l’effet de l’énergie, qui est réel puisqu’en février, hors alimentation, tabac et énergie, l’inflation de la zone euro se situait à 1 %. Mais la baisse de l’énergie ne peut-elle pas finir par se transmettre aux autres produits et ainsi entraîner la zone euro dans la déflation ? Surtout, en mars, les prix hors alimentation et énergie ralentissent à +0,8 %, preuve que la désinflation n’est pas qu’énergétique.
La BCE avait avancé la bonne tenue des anticipations d’inflation à moyen terme, mais ces dernières ont déjà fléchi et il est loin d’être évident qu’elles résisteront longtemps à une période de faible inflation ? Aussi en est-on réduit aux dernières extrémités pour évacuer la question de la déflation, notamment en évoquant pour l’Allemagne la date tardive de Pâques qui pèserait lourdement sur les prix des denrées alimentaires…

Le risque réel de déflation

Mais face à cet affaiblissement de la rhétorique « rassurante » se développe l’idée que tous les ingrédients d’une déflation semble aujourd’hui réunie en zone euro. « L’environnement économique est toujours extrêmement faible et les croissances de la masse monétaire et du crédit restent négatives. Du coup, la menace d’une déflation est absolument réelle », résumaient la semaine passée dans une note Kerstin Bernoth et Philipp König, économistes à l’institut berlinois DIW.

Une croissance fragile et marquée par la poursuite de l’austérité

Certes, l’économie de la zone euro semble aller mieux. La confiance des consommateurs a montré ce vendredi une belle santé. Mais qu’on ne s’y trompe pas. La zone euro est en phase de stabilisation, au mieux de correction, après une longue récession. Cette reprise n’est en aucun cas suffisamment solide ni vigoureuse pour assurer un redressement durable des marges et de l’emploi et soutenir une reprise de l’inflation. Il faut conserver en mémoire – notamment dans les pays périphériques – l’ampleur de la chute enregistrée auparavant. La croissance grecque de cette année, prévue à 0,6 %, n’effacera pas la chute de 24 % du PIB depuis 2008 et ses conséquences sociales et économiques.
Surtout, le choix européen de la « stabilité » à l’allemande suppose que les forces récessives de la consolidation budgétaire demeurent à l’œuvre dans la plupart des pays de la zone euro perdurent et, dans certains pays, risquent de s’intensifier. La zone euro n’est pas sortie de l’austérité et l’austérité est naturellement déflationniste.

Des banques encore rétives à prêter

D’autant que les banques demeurent irrémédiablement rétives à prendre des risques et à prêter suffisamment. Jeudi, la BCE a indiqué que la croissance de la masse monétaire est demeurée faible à 1,3 % en février sur un an contre 1,2 % en février. Autrement dit, la hausse demeure atone. D’autant qu’elle n’est pas portée par le crédit dont la distribution affiche une baisse annuelle de 2 % comme en janvier. Bref, rien là qui ne soit en mesure de faire remonter réellement l’inflation à des niveaux plus décents.

L’effet d’accumulation de la faible inflation

Surtout, la faiblesse de l’inflation est une réalité depuis presque un an. Autrement dit, voici des mois que la faible hausse des prix pèse sur les marges des entreprises. A la longue, cette pression devient de plus en plus lourde et peut conduire à repousser des investissements ou à serrer les coûts. Ce lundi 31 mars, une étude de Moody’s a souligné le risque d’une longue période de faible inflation pour la reprise européenne. Mais si la croissance rechute dans la zone euro, il est certain qu’alors, on n’aura bien du mal à éviter de chuter dans une spirale inflationniste. Pour les entreprises des pays périphériques, la baisse des prix peut être compensée en partie par la baisse enregistrée du coût du travail. Mais plus les prix baissent, plus cette compensation est faible. Et comme le crédit reste atone, l’investissement ne peut réellement repartir. Là aussi la croissance est menacée.

La BCE sommée d’agir

La BCE est donc désormais sommée d’agir. L’évolution du discours de la Bundesbank la semaine dernière et les messages envoyés depuis quelques jours par les officiels de la banque européenne tentent d’envoyer des messages pour laisser entendre que la BCE va sortir de l’attentisme qui est le sien depuis novembre. Mais le fera-t-elle réellement ? Ne se contentera-t-elle pas de demi-mesures comme une baisse de son taux de refinancement de 0,25 % à 0,10 % ? Ses possibilités sont larges, mais osera-t-elle ? On le saura jeudi lors de la conférence de presse de Mario Draghi. Une chose semble cependant certaine : l’attentisme semble désormais intenable.
latribune.fr

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