L’euro est cliniquement mort. Pour sauver l’Europe, il faut revenir aux monnaies nationales, réunies au sein d’une monnaie commune. C’est la thèse de Casser l’euro, ouvrage écrit par quatre journalistes.
Il ne s’agit en aucun cas d’un “réflexe populiste”, se défendent les auteurs, mais le fruit d’un travail journalistique quotidien au contact des acteurs de ce système. C’est le constat, après cinq années d’une crise sans précédent, que l’euro, tel qu’il existe aujourd’hui, est “cliniquement mort”. “Plus d’une décennie après le lancement de l’euro, la convergence tant attendue des économies n’a pas eu lieu, les modèles sociaux ont été détricotés et la spéculation s’est déchaînée”, écrivent les quatre journalistes.
Et de dénoncer tout à tour un euro “made in Germany” (l’Allemagne a un droit d’accès sans restrictions tarifaires à des marchés voisins et un taux de change compétitif), destructeur de croissance (historique des performances à l’appui), machine à fabriquer de l’hétérogénéité (dopage de la demande intérieure au Sud, choc de compétitivité au Nord), instrument de dumping social (devant l’impossibilité de dévaluer, les seules stratégies sont la baisse de la fiscalité ou la baisse des salaires), ou encore l’euro “cheval de Troie de la rigueur”. Les auteurs écornent aussi au passage la Banque centrale européenne (BCE), “dogmatique et déstabilisante”.
Le livre évoque aussi “la vie après le monnaie unique”. Non, la sortie de l’euro ne va pas provoquer le chaos dans les transactions quotidiennes, grâce à la règle du “un pour un” qui consiste à caler, temporairement, l’unité de chaque devise nationale sur l’euro. Non, la dette ne vas pas exploser, car un Etat peut discrétionnairement modifier le libellé de sa dette sans en affecter la valeur nominale (autrement dit, les 2000 milliards d’euros de dette tricolore vaudront 2000 milliards de francs). Non, les marchés ne vont pas se fermer, et même s’ils refusaient de prêter à la France, l’Etat pourrait toujours mobiliser les quelque 3000 milliards d’euros d’actifs financiers dont disposent les Français. Non, l’inflation ne va pas exploser, et qu’on se le dise, 4% d’inflation annuelle permet d’alléger 35 milliards de dette d’un coup.
Ces arguments sont séduisants. Nul doute qu’ils offriront du grain à moudre aux opposants à la monnaie unique. Mais ils restent contestables. Et contestés. “Sortir de l’euro peut être tentant”, écrit dans une tribune le journaliste des Echos Guillaume de Calignon. Mais “la sortie de l’euro serait un saut dans l’inconnu, une réaction en chaîne d’événements qui risque de tétaniser les agents économiques, ménages comme entreprises. Sans compter les réactions politiques de nos voisins. Sans l’euro, les Français savent ce qu’ils perdront mais n’ont aucune idée de ce qu’ils gagneront. Les problèmes ne seront pas réglés par un retour en arrière.”
L’Express