La trêve hivernale protégeant les locataires s’est achevée lundi soir. En 2012, plus de 120.000 décisions de justice prononçant une expulsion ont été rendues, la plupart du temps en raison de loyers impayés.
Dès ce mardi (1er avril), à partir de six heures du matin, les expulsions locatives sont à nouveau autorisées. La trêve hivernale, qui a protégé pendant cinq mois les locataires menacés d‘être expulsés de leur logement, s’est en effet achevée lundi soir.
Retour sur un phénomène qui prend au fil de ces dernières années à cause de la crise une ampleur sans précédent.
Combien d’expulsions ont lieu chaque année?
Selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 120.000 décisions de justice devant aboutir à des expulsions ont été prononcées en 2012. Soit une augmentation de 37% en dix ans. L’association s’inquiète de cette augmentation, «à l’heure où les phénomènes conjugués de hausse du coût du logement et de tassement du pouvoir d’achat frappent les familles aux budgets serrés».
L’association estime qu’environ 50.000 ménages menacés d’expulsion quittent volontairement leur logement avant que le recours à la force publique ne soit prononcé, souvent pour une solution d’hébergement temporaire et précaire.
Pourquoi est-on expulsé?
La très grande majorité des expulsions (95%) est liée à des impayés de loyer, selon la Fondation Abbé Pierre. L’association précise en outre que plus d’1,2 million de Français ont aujourd’hui au moins un impayé et sont donc susceptibles d’être expulsés.
La majorité des «mauvais payeurs» sont «des personnes aux revenus modestes qui connaissent un accident de la vie», comme une perte d’emploi, une séparation ou un souci de santé, et dont les ressources deviennent alors insuffisantes pour acquitter leur loyer, précise la Confédération nationale du logement.
D’autres refusent de payer leur loyer en raison d’un conflit avec leur propriétaire, lié par exemple «à des charges trop élevées demandées ou à l’absence de réalisation de travaux», indique la Fondation Abbé Pierre. Le collectif Jeudi Noir confirme que les fraudeurs -qui ont les moyens de payer leurs loyers mais choisissent de ne pas le faire- ne représentent qu’un pourcentage infime des contentieux.
Les 5% d’expulsions restantes sont liées à un congé, un trouble du voisinage ou un abandon de logement par le locataire.
Où vont les expulsés?
Théoriquement, une solution d’hébergement doit être proposée au locataire expulsé: une place en centre d’hébergement d’urgence ou une chambre d’hôtel est accordée et payée par l’État pour une courte période. «Dans les faits, c’est rarement le cas, précise Jeudi Noir. La fin de la trêve hivernale signifie également la fermeture de nombreux centres d’hébergement d’urgence», ce qui rend l’accueil des expulsés d’autant plus difficile.
«La saturation du 115 et de l’hébergement d’urgence a entraîné de nombreuses familles expulsées dans des situations de dangereuse précarité et parfois même à la rue», souligne la Fondation Abbé Pierre, qui indique que 30% des sans-domicile-fixe le sont devenus à la suite d’une expulsion.
Quelles alternatives à l’expulsion?
La Fondation Abbé Pierre estime que «deux solutions devraient être envisagées lorsqu’une procédure d’expulsion est engagée: permettre dans la mesure du possible le maintien dans les lieux en actionnant tous les dispositifs financiers et de soutien ou reloger la famille lorsqu’il y a disproportion loyer/ressources».
L’association Jeudi Noir milite elle pour «un moratoire de toutes les expulsions d’occupants de bonne foi», c’est à dire dont les difficultés financières empêchent de s’acquitter de leur loyer. «Cela permettrait au moins d’arrêter d’aggraver la crise.» Parallèlement à ce moratoire, Jeudi Noir enjoint les communes de se lancer dans un vaste programme de préemptions pour réquisitionner les logements vacants. «Certes, cela coûterait cher à l’État. Mais lorsqu’on considère le coût social et financier des expulsions -notamment le recours aux forces de police- celui-ci est bien plus élevé.»