Contrairement à certains socialistes, le sénateur PS de la Nièvre n’appelle pas à la démission de Désir, mais à un changement bien plus radical. Interview.
Le Point.fr : à l’image d’Henri Emmanuelli, de plus en plus de voix demandent la démission d’Harlem Désir après la déconvenue du PS aux municipales. Y joignez-vous la vôtre, vous qui demandez depuis des années une révolution au sein du Parti socialiste ?
Gaëtan Gorce : C’est regarder par le petit bout de la lorgnette que de demander la démission du premier secrétaire. Le mal est plus profond, mais depuis des années on refuse tout débat sur les causes des difficultés du Parti socialiste. Or, je disais déjà au congrès du PS de Toulouse, en 2012, que notre parti est inadapté à l’époque, encore plus lorsque nous sommes un parti majoritaire, censé soutenir le gouvernement.
Être majoritaire, c’est un problème ?
Le Parti socialiste a été construit pour conquérir le pouvoir, pas pour l’exercer. Lorsque nous sommes au pouvoir, les débats internes sont étouffés.
Jospin, premier secrétaire, en avait souffert de 81 à 88, Hollande un peu moins de 97 à 2002, parce que nous étions en cohabitation. Dans la Ve République, le pouvoir exécutif est exercé par un petit groupe, qui prend la main. Il ne reste plus rien au parti majoritaire. À chaque fois, le PS devient un simple relais.
Si le problème est connu depuis 81, comment se fait-il qu’il perdure ?
Parce que nos structures sont héritées de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, sur la base des mouvements ouvriers. Dans la forme, ces structures sont alors assez “tayloristes”, tout part du haut pour aller vers le bas, alors que le modèle postindustriel demande une participation forte de la base. De plus, notre électorat, au départ homogène, s’est diversifié. Mais notre parti fonctionne toujours sur le modèle antérieur. Nous n’avons rien compris. Il y a déjà eu des tentatives d’ouvrir le parti et de débattre, par exemple sous Hollande après la défaite de 2007 ou lorsque Ségolène Royal a relancé la démocratie participative avec Désirs d’avenir.
Malheureusement, le faire-semblant l’emporte trop souvent. On fait semblant d’organiser des débats, de proposer aux gens de choisir leur candidat, etc…
Comment le PS peut-il réagir ?
Un parti, je le rappelle, sert à faire le lien entre des citoyens et des institutions ; il transforme des aspirations individuelles en un point de vue d’intérêt général. Or, le PS, comme d’autres d’ailleurs, ne fonctionne plus en ce sens. Il faut imaginer quelque chose de différent. On garde la structure, et on se remet au clair avec nos valeurs. Le PS ne sait plus où il va, il faut donc en priorité redéfinir sa base intellectuelle, faire revivre sa culture politique. Jaurès, Blum avaient une culture politique hors norme. Aujourd’hui, nos dirigeants ne pensent qu’à faire des coups ou à défendre leur place. Ils agissent sans cohérence…
Aujourd’hui, dans son mode de fonctionnement, le PS ne se distingue pas d’un parti libéral. C’est le règne du chacun pour soi, de la concurrence sauvage ! C’est pire qu’un paradoxe, puisque nous fonctionnons d’une manière inverse au modèle de société que nous prétendons défendre.