Pour Jacob Rogozinski (Professeur de philosphie à la faculté de Strasbourg), la «dédiabolisation» du Front national peut expliquer ses succès électoraux mais cette «normalisation» apparente laisse le champ libre à la «droite de la droite».
Comment riposter à la montée de cette nouvelle extrême droite, répondre aux angoisses, aux fantasmes qu’elle mobilise ? L’argumentation rationnelle et la pédagogie sont certes nécessaires ; mais elles ne suffisent jamais.
Aujourd’hui encore, le recours à la loi demeure le plus sûr rempart contre les semeurs de haine ; à condition toutefois qu’il s’accompagne d’une réflexion approfondie sur les facteurs qui engendrent cette haine et d’une intense mobilisation citoyenne.
Les dernières élections municipales ont confirmé l’implantation toujours plus forte du Front national. Comme l’on sait, ce parti a entrepris de se «dédiaboliser» ou, plus exactement, de se normaliser en abandonnant sa référence aux thèmes traditionnels de l’extrême droite, et cette stratégie a certainement contribué à ses récents succès.
Mais certains effets de cette dé-fascisation du FN se font déjà sentir de manière inattendue : elle tend en effet à laisser vide un espace politique à la droite de la droite, ce qui favorise l’émergence d’une nouvelle mouvance extrémiste. Quel rapport y a-t-il entre cette mouvance extrémiste et un FN qui tente de se normaliser ? Aucune rupture décisive ne peut être constatée. La frontière qui les sépare reste poreuse, comme celle qui, au sein de la droite catholique, sépare les « ultras » du Printemps français des « modérés » de La Manif pour tous. […]
Nul ne sait si cette nouvelle extrême droite est appelée à se développer. Il nous semble cependant que son émergence soulève des interrogations essentielles ; qu’elle nous invite à réfléchir sur la logique de la haine, sur les dispositifs qui la propagent et les fantasmes qui la sous-tendent. Qu’est-ce qui caractérise ces folles rumeurs et ces campagnes agressives qui se succèdent depuis quelques mois ? Même si les cibles peuvent sembler différentes, elles mettent en cause à chaque fois un complot, tramé dans l’ombre par un puissant «lobby» avec la complicité des médias et de l’Etat. […]
Le Monde