Diatribe de Bernard Grelon, avocat d’affaires
Le Monde du 8 avril, par une mise en page dont il a le secret, a juxtaposé un article d’Ulrich Beck avec une interview de Marine Le Pen, titré “La mondialisation est un cauchemar”.
Au ravissement que l’on ressent à lire Ulrich Beck, à découvrir une pensée interrogative, curieuse, attentive à l’autre, soucieuse d’élaborer des concepts rendant possible la perception d’un monde qu’il essaie de décrire avec modestie, prudence et honnêteté, s’oppose le discours de Madame Le Pen construit sur le dogmatisme, la haine de l’autre, le refus d’admettre que la modernité puisse être autre chose que la décadence.
Pour Madame Le Pen, l’Europe, la mondialisation, l’euro sont, par postulat, l’expression du mal, la cause de tous les malheurs des Français. Marques et signes du cosmopolitisme, de la finance internationale –les bons vieux thèmes antisémites ne sont pas loin– ces transformations du monde, ces institutions construites avec tant de difficultés et qui ont permis à l’Europe occidentale de vivre dans la paix et la prospérité pendant des décennies, sont le signe du mal absolu. Elle refuse d’en admettre la nécessité, voire même l’utilité.
Madame Le Pen, ne s’inscrit que dans les catégories, les schémas d’un passé disparu, celui de l’Etat nation, dont elle appelle un illusoire retour. Elle oublie les guerres, les massacres qui tout au long du XIXe siècle ont été conduits en son nom; elle préfère dénoncer des boucs-émissaires. […]
Dans cette prétention à détenir la parole vraie et légitime, Madame le Pen révèle le totalitarisme qui est de l’essence de son discours et du parti qui l’exprime et qu’elle anime.
Arrivée au pouvoir, une telle idéologie appelle ouvertement à la dénonciation, à la traque et à l’enfermement de tous les “antifrançais”, tous ceux qui prétendent défendre d’autres valeurs qui sont par construction définies comme démobilisatrices, subversives, antinationales.
Cette brève interview de Madame Le Pen démontre une fois de plus, qu’en dépit des efforts de ses dirigeants pour se présenter sous une forme attrayante et convenable, que le FN ne pose pas de bonnes ou de mauvaises questions.
Il n’en pose pas. Il n’est pas devenu un parti comme un autre. Il assène des diktats, il exacerbe les peurs. Il excite la haine d’autrui. Il demeure ce qu’il a toujours été, l’expression d’une pensée totalitaire, en un mot “fasciste”.