La France, il la rêvait comme un pays merveilleux. En Chine, devant sa télévision, Gang Huang s’émerveillait de la tour Eiffel et des grands magasins. Mais la réalité de la vie quotidienne n’est pas celle du petit écran. À 23 ans, sans papiers, Gang est en grève depuis la mi-février. Il s’est révolté pour dénoncer les conditions de travail du salon de beauté où il officie comme manucure depuis trois ans. Avec ses huit collègues d’infortune, toutes des femmes, deux Ivoiriennes et six Chinoises, ils s’opposent au chantage de leur patron ivoirien, qui refuse de payer leurs salaires de janvier et février.
Plutôt que de se taire, et malgré les risques, ils sont allés toquer à la porte de la CGT. Décision a été prise d’occuper la boutique jusqu’au règlement des salaires et jusqu’à la régularisation de la situation des employés. Face à cette rébellion inattendue, leur employeur a pris la fuite. La boutique est depuis occupée 24 heures sur 24. Et l’argent gagné file dans une caisse commune. “Jamais je n’aurais pu faire grève en Chine. Je ne savais même pas que c’était possible”, raconte-t-il, aidé d’un interprète.
En plus d’être le seul homme de la boutique, Gang est l’un des deux derniers salariés à ne pas avoir reçu de récépissé en vue de l’obtention de sa carte de séjour. Tout juste a-t-il été reçu à la préfecture pour l’ouverture de son dossier. Soutenus depuis le début par Raymond Chauveau, en charge des travailleurs sans papiers à la CGT, Gang et ses camarades aspirent tous à une vie meilleure “où ils n’auront plus à subir les foudres d’un patron voyou”. Son rêve ? “Obtenir ma carte de séjour. Retourner en Chine pour me reposer quelques jours. Revenir en France pour travailler. Et gagner plus de 2 000 euros par mois.”
le Point