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Tribune de Marcela Iacub dans Libération sur la « débandade » de la presse de gauche.
Ce qui est en train de tuer la presse de gauche – car celle de droite se porte plutôt bien – c’est le politiquement correct. Et Libération, hélas, n’échappe pas à cette maladie post-coloniale. Car c’est bel et bien ainsi qu’il faut appeler ce virus mortel.

Les journalistes et les intellectuels qui s’expriment dans les journaux de gauche se sentent investis d’une fonction civilisatrice envers les masses. Ils croient que ces dernières ont besoin d’être guidées dans la vie sociale, politique et culturelle.

Qu’il faut leur dire comment traiter sa femme, son compagnon, ses enfants, ses voisins, les immigrés, les Arabes, les Juifs, les homosexuels, les harcelés, ceux qui sont discriminés pour de mauvaises raisons. Qu’il faut leur indiquer les choix politiques qui s’ouvrent à eux de sorte qu’ils ne sombrent pas dans la barbarie ou dans l’infantilisme. Qu’il faut leur donner à lire des livres véhiculant des messages massifs et clairs – pourvu qu’ils soient écrits d’une certaine manière, bien entendu – voir des films dont leurs auteurs se sont donné un mal fou pour qu’ils existent grâce au système français d’aides au cinéma. Et si les masses auxquelles ils s’adressent n’achètent plus cette presse-là, il faut dire que c’est la faute d’Internet, des tablettes, etc. Comme si le papier était le coupable et non pas ce qu’on y lit.

Sauf à devenir entièrement financée par l’Etat, on peut imaginer que la presse de gauche disparaîtra définitivement du paysage français d’ici quelques années. Et ce sera la presse de droite dont la panoplie idéologique ne cessera de s’étendre qui occupera la place laissée vacante par la gauche.

Or, le plus étonnant c’est que ces masses auxquelles on attribue tant d’ignorance et une telle nécessité de guidage sont de plus en plus éduquées. Ces «indigènes» sont capables de se faire une opinion propre sur un grand nombre de choses et s’ils boudent la presse de gauche, c’est parce qu’ils pensent, en revanche, que les journalistes et les intellectuels qui s’y expriment n’en sont pas capables.
En effet, si l’on passe en revue l’ensemble de la presse de gauche on y retrouve des points de vue identiques sur presque tout. Il suffit qu’un quelconque événement un peu hors du commun arrive pour deviner presque littéralement ce que la presse de gauche va dire à l’unisson, telle une meute de perroquets ou de singes. […] Marre qu’on ne l’invite pas à réinventer la société, la politique, la réalité, la langue. Marre que la lecture d’un journal ne soit jamais une expérience forte, enivrante, affolante. Marre.
Libération

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