“Robolution capital”, le fonds de capital-risque public-privé, table sur le potentiel des robots à destination des personnes âgées et dépendante. Il a convaincu la société d’assurance et de prévoyance AG2R La Mondiale, un peu moins la présidente de France-Alzheimer.
Un simple écran… monté sur roulettes. Et qui pourrait changer la vie des personnes âgées ou malades, du moins, celles qui ne sont pas autonomes? Bruno Bonnell, le “Monsieur Robot“ français qui a popularisé le robot aspirateur dans l’Hexagone, y croit dur comme fer. Il a tenté d’en faire la démonstration ce 28 avril lors d’une conférence de presse organisée par la société d’assurance et de prévoyance AG2R La Mondiale.
Robot renifleur
Miniaturisé, doté de capteurs supplémentaires, l’objet aux allures de vedette de la saga Star Wars pourrait intégrer les foyers des Français et leur faciliter la vie en assurant une “télé-présence”. En clair: une personne se tient derrière un écran connecté au robot, lui-même doté d’une caméra et d’un micro. Elle peut le déplacer à distance, converser avec son interlocuteur, le rassurer, le suivre, vérifier si “tout va bien“.
Équipe d’un thermomètre voire d’un capteur d’odeurs – à Toulouse la société AlphaMOS développe déjà ce type de technologie -, l’appareil serait, à terme, suffisamment sensible pour détecter une anomalie bactérienne, déclencher une alarme, et peut-être sauver la vie d’un patient.
80 millions pour faire la “robolution”
Pour l’ancien patron d’Atari, le découvrir aujourd’hui, c’est un peu comme pour les “premiers spectateurs de la voiture ou du téléphone portable“, assister aux prémisses d’une révolution, qu’il appelle justement “robolution”. Un concept qui a donné son nom au fonds de capital-risque Robolution Capital, lancé début mars.
Doté de 80 millions d’euros, il finance les start-up censées construire le monde (robotisé) de demain. La moitié de la somme provient d’investisseurs privés parmi lesquels Orange, Thalès ou EDF et…AG2R La Mondiale. L’assureur détonne un peu dans ce tour de table. Ce lundi, il tentait justement de justifier ce choix surprenant en organisant une rencontre entre Bruno Bonnell et Marie-Odile Desana, la présidente de l’association France- Alzheimer.
“Anti-éthique”
Cette dernière paraît dubitative et confie en aparté:
“Cela doit être un moyen pas une fin. (…) Pour les malades d’Alzheimer, je ne vois pas vraiment comment ça peut s’adapter. Cela s’adresse plutôt aux personnes souffrant de handicaps physiques. (…) Les capteurs d’odeur, je trouve ça ‘gadget.‘ “
Surtout, la machine comporte à ses yeux des failles majeures. La présidente de l’association a même vivement interpellé Bruno Bonnell à leur sujet. D’une part, une machine qui enregistre tout ce qu’elle veut dans une pièce lui semble “anti-éthique” car intrusif, “un peu comme si l’on enregistrait un président de la République à son insu…“, ironise-t-elle.
D’autre part, si le robot est installé dans une maison de retraite, un hôpital, ce qui fait partie des applications possibles, cela implique l’embauche d’un personnel nombreux, ne serait-ce que pour répondre aux fameuses alarmes déclenchées en cas de problème.
Cotiser pour son robot?
Au moment où le gouvernement s’interroge sur la manière d’éviter aux retraités les plus modestes d’avoir à se serrer la ceinture, un financement public de ce type d’équipement paraît exclu. Partant de ce constat, l’ancien patron de l’éditeur de jeux vidéos Atari anticipe :
“On devrait commencer à cotiser vers 40 ans pour avoir un robot à son service à la fin de sa vie, ce serait un investissement logique”.
Une assurance-robot
Intégrer ce type de solution, pour quelques euros de plus, à ses contrats de prévoyance, “c‘est tout à fait envisageable“, opine Thierry Chérier, directeur commercial chargé des marchés de proximité chez AG2R La Mondiale. Cette “forme d’assistance comme une autre” pourrait certes effrayer les actuaires qui, faute de statistiques, auraient du mal à anticiper l’impact financier, mais pour l’assureur, il s’agirait d’un risque à prendre et qui pourrait payer.
Reste à savoir comment mettre cette solution, si elle s’avère aussi miraculeuse, entre les mains des ménages les plus pauvres. A titre indicatif, la maladie d’Alzheimer représenterait un reste à charge de 1.000 euros par mois en moyenne pour les patients à domicile et de 2.500 pour ceux qui sont accueillis dans des structures spécialisées, selon Marie-Odile Desana.
Jusqu’à 2000 euros le robot
A ce budget, il faudrait donc rajouter le coût – élevé – d’un robot encore en phase de développement. Pour l’heure, l’objet fabriqué aux États-Unis par la société Beam commercialisé en France par Awabot, jeune société présidée par Bruno Bonnell, n’est encore utilisé qu’à des fins professionnelles, et pour des démonstrations, dans des salons, par exemple.
“Dans les prochains mois”, il devrait être vendu au grand public entre “1.500 et 2.000 euros“, indique le pionnier d’Internet. Ce dernier compte que d’ici cinq ans, son prix sera descendu à 500 euros. A condition bien sûr que le public adhère vraiment à l’idée et que les constructeurs intègrent un coût de maintenance élevé.
Nouvelle dépendance
Car à une dépendance physique risque de se substituer une nouvelle forme de dépendance, matérielle cette fois. Que faire si la machine déraille ? “On ne peut rien faire“, reconnaît l’homme d’affaires, “de la même manière, dans un hôpital, on ne peut rien faire si le respirateur s’arrête. “
Bruno Bonnell relève que, pour faire baisser le taux de pannes, les systèmes de sécurité sont souvent doublés. En outre, il faudra avoir un système d’intervention rapide. Autrement dit, une main d’œuvre supplémentaire. Avec ou sans machine, la question du financement de la dépendance paraît donc encore bien loin d’être réglée.