Les trafiquants sont entrés dans un engrenage sanglant, sans espoir d’issue.
La dernière victime, Jérome Fuentès, dit “Yann”, a été tuée de deux balles dans la tête, dans sa voiture. Sans doute de petit calibre. Les résultats de l’autopsie devraient être connus aujourd’hui.
Face aux assassinats à répétition entre trafiquants, comme ces derniers jours (3 en une semaine, 10 depuis janvier) deux réactions s’imposent. D’abord considérer que ce ne sont finalement que des vendeurs de drogue sans avenir ni morale, hors de la société dans laquelle nous vivons, et n’apprécier le phénomène qu’avec mépris et distance.
Ou bien regarder un peu plus loin. Et admettre qu’il y a bien un risque de voir la communauté marseillaise tout entière éclaboussée par ces actes barbares. Comment imaginer que cette société parallèle, qui ne connaît que la loi du sang, n’aurait aucun effet sur le développement de cette ville ? Une question d’autant plus brûlante qu’il faut sans doute se préparer à une accélération du phénomène.
Même si l’action de la police peut paraître dérisoire face à l’ampleur des trafics, elle désorganise et complique les systèmes en place. Les rapports entre équipes rivales se tendent. Et l’engrenage criminel qui s’est engagé il y a quelques mois, avec plusieurs règlements de comptes touchant des têtes de réseau particulièrement influentes, va désormais s’auto-alimenter.
“Une année très difficile”
Les vengeances vont succéder aux vendettas.
“On peut d’ores et déjà craindre une année très difficile, confiait hier un responsable policier. D’autant qu’il y a des pointures du banditisme de cité qui vont sortir de prison et qui seront un élément explosif supplémentaire.”
Le pire, dans cet univers sans foi ni loi, est que personne n’ignore qui tient les rênes, qui menace qui, voire qui tue qui. Mais faute d’élément probant, de matière propre à nourrir un dossier criminel face à des assassins qui prennent toutes les précautions, enquêteurs et magistrats demeurent presque impuissants. Et sont réduits à ne prendre que des décisions à effet homéopathique.
La loi du commerce plus forte que tout
D’ici quelques jours, un “caïd” d’une cité des quartiers sud bien connue pour son trafic de drogue florissant, doit sortir de prison. Amis ou ennemis, policiers et juges connaissent ses intentions d’éliminer son rival, celui qui a repris son réseau.
Sa libération pourrait donc être différée, pour éviter que ne se reproduisent les épisodes sanglants d’il y a quelques jours sur l’A7, avec l’élimination de deux détenus fraîchement sortis, ou encore d’un autre repris de justice, abattu devant les Baumettes, cinq minutes après avoir quitté sa cellule, en mars 2013.
Une décision qui ne fera évidemment que décaler le problème. Dans ce milieu, les rancoeurs sont tenaces. Et la loi du commerce plus forte que tout. Tant que les millions d’euros des trafics nourriront l’illusion d’une vie meilleure dans les cités, le sang continuera de couler et Marseille restera l’emblème de cette jeunesse qui s’entre-tue.