« Inscrire nos trois enfants au collège de secteur, dans la banlieue de Grenoble, fut un choix presque citoyen. Il a très mauvaise réputation, les résultats au brevet sont mauvais, et comme je suis parent d’élève élue, je sais qu’il y a souvent des conseils de discipline.
Nous avions beaucoup de craintes, mais nos enfants avaient des facilités scolaires et nous avons estimé que nous leur avions donné des bases assez solides pour leur permettre de s’y retrouver. En choisissant le latin et la classe bilingue anglais-allemand, nous les préservions aussi un minimum.
Les programmes n’ont pas toujours été terminés, et notre aîné faisait parfois exprès de ne pas rendre ses devoirs pour ne pas passer pour un « intello ». J’ai été rassurée à son arrivée en seconde, où il suivait sans problème. Nous avons failli le changer de collège quand il a été racketté, mais j’ai rencontré des parents d’autres établissements plus huppés confrontés aux mêmes problèmes.
Nos enfants ont appris à choisir le bon camp, à s’isoler quand ça allait mal, et sont devenus très ouverts. Ils ne supportent pas le racisme et loin de les endurcir, j’ai l’impression que cette expérience a renforcé leur gentillesse. Certains de leurs camarades vivaient des situations sociales très difficiles, ils sont très sensibles à la misère des autres, ne supportent pas qu’on puisse y rester indifférent.
C’est vrai que leurs amis ne nous ont pas toujours plu, mais nous choisissons de leur faire confiance, tout en surveillant de près et en partant un maximum le week-end dans notre maison de campagne en Savoie, pour les couper de cet environnement.
Nous sommes très critiqués dans notre entourage pour avoir fait ce choix. Mais nous le faisons par conviction, pour le quartier, pour une réelle mixité sociale. Ces jeunes, il vaut mieux apprendre à les connaître à l’école que ne pas les connaître du tout. »
La Croix