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[Tribune] —. Quand l’Europe se trahit en se construisant comme l’univers déraciné d’un homme nouveau, les nations sont appelées à revenir au meilleur d’elles-mêmes. Prendre au sérieux l’unité européenne, c’est vérifier humblement son désir dans la vérité de sa culture.

AU SOIR DU 25 MAI prochain, que représentera le peuple français aux yeux des autres peuples européens ? La résignation et l’avachissement ? Ou au contraire le sursaut porté par une juste colère ?

Notre peuple doit se relever par un ressourcement profond de son être ! Contre tous les fatalismes, défaitismes et déterminismes, contre le soi-disant sens de l’histoire, contre les manipulations ourdies dans des officines postnationales, il est donné à la France l’occasion de manifester sa profonde détermination à sortir du mensonge pour « vivre dans la vérité », pour reprendre l’expression de Vaclav Havel.

L’antique orgueil prométhéen 

Vivre dans la vérité tel est le principe de la dissidence, dissidence au totalitarisme, communiste à l’époque de Vaclav Havel, aujourd’hui couvert par d’apparentes libertés individuelles, mais non moins existant pour autant. L’Union européenne construit une Europe post-démocratique fondée sur le mensonge. Or la récolte du mensonge est toujours le malheur et « la défense de la vérité est la condition de la défense de la personne, de la morale, de la civilisation, » comme le dit saint Jean-Paul II. Il est de notre responsabilité de chercher et de défendre à temps et à contretemps la vérité au cœur de la crise nihiliste que traverse notre époque.

Le Parlement européen est l’un des foyers les plus actifs du relativisme anthropologique et culturel. En ayant délibérément refusé d’accueillir ses racines chrétiennes comme fondement de sa civilisation, l’Union européenne a révélé à tous son intention la plus chère : construire un homme et une société radicalement nouveaux. L’antique orgueil prométhéen inspire cette marche forcée, rythmée d’une multitude de normes édictées par les différentes institutions européennes.

Marche vers quoi ? Vers un arasement des différences et des identités, vers la production d’individus artificiels et suffisamment lobotomisés pour devenir malléables à toutes les sollicitations.

Repartir de la personne humaine

Il est nécessaire de repartir de la personne humaine accueillie dans la richesse de son contenu et de ses liens. La personne se reçoit de différentes communautés dont les deux plus importantes sont la famille, fondée sur le mariage de l’homme et de la femme, et la nation. Ces communautés sont dites naturelles, non pas parce qu’elles existeraient indépendamment des choix humains mais parce qu’elles permettent à l’homme de se réaliser dans ses diverses capacités.

Attaquer la famille et la nation comme s’y emploie avec un entêtement diabolique l’Union européenne, c’est créer un environnement culturel aliénant. Il n’est donc pas étonnant qu’un des principes de la construction européenne soit un contresens sur la notion de subsidiarité, clef de voûte de toute liberté véritable.

Le respect dans la subsidiarité

Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, tout le monde a en réalité une expérience pratique de ce qu’est la subsidiarité.  Qui est fondé à agir sur tel ou tel sujet ? Voilà la question à laquelle répond la subsidiarité.

La subsidiarité n’est rien d’autre que le respect et l’incitation par les autorités supérieures de la libre initiative des autorités inférieures, dans les domaines où elles sont compétentes, sauf si elles ne peuvent assumer seules une tâche et qu’elles ont besoin d’aide, l’aide n’étant en aucun cas la substitution. Ainsi une commune a la compétence de choisir où installer une piscine et ce n’est certes pas au ministère des Sports de le décider !

La subsidiarité doit gouverner l’articulation famille/école/État, mais aussi la vie économique, notamment par un véritable accompagnement à la liberté d’entreprendre. Le contraire de la subsidiarité est non seulement le dirigisme mais aussi l’assistanat et l’infantilisation des personnes. C’est donc le rôle de l’État de protéger les droits fondamentaux inhérents à la dignité de la personne libre et responsable.

On voit bien que depuis des années l’Union européenne se construit sur une inversion du principe de subsidiarité qu’elle comprend comme la délégation aux pays membres de missions qu’elle ne souhaite pas assumer elle-même ! Ce mouvement de haut vers le bas montre le mépris des technocrates bruxellois, pour la réalité humaine dans sa riche diversité.

Revenir au meilleur de soi-même  

Socrate exhortait Alcibiade dans le dialogue éponyme de Platon à prendre soin de lui-même et à se connaître. Lorsque Socrate le rencontre, ce riche, beau et talentueux jeune homme est mû par de puissantes ambitions ; mais Socrate discerne que son immaturité et sa démesure sont un danger pour lui-même et pour Athènes. Loin de le rabrouer, il l’invite à prendre au sérieux ses désirs en revenant en lui-même pour en vérifier la bonté. Cette démarche réflexive à laquelle Socrate initie Alcibiade peut être prise comme un des hauts exemples de la culture européenne.

Qu’est-ce en effet qu’une culture si ce n’est ce mouvement par lequel l’homme, seul et en communautés, fait retour sur ce qu’il est pour y discerner en vérité ce qui lui convient et l’accomplir dans sa vie ?

Ce n’est donc pas par une fuite en avant, mue par haine de soi, que les peuples européens se gouverneront librement. Seule la redécouverte de la richesse de sa civilisation, humaniste car enracinée dans son héritage chrétien, peut aider la France à se relever, à retrouver sa souveraineté nationale et son dynamisme économique.

Aymeric Chauprade, docteur en sciences politiques, est géopolitologue. Dernier ouvrage paru :Chronique du choc des civilisations (Chronique éditions, 2013).

Via Liberté-politique.com

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