Extraits d’une tribune d’Hugues Lagrange, sociologue, sur le multiculturalisme en Europe.
Au seuil des années 1990, la question de la diversité des cultures n’est posée en Europe ni dans l’opinion ni dans les institutions, l’enjeu est l’intégration, le rapprochement des niveaux de vie, notamment entre le Nord et le Sud, et l’achèvement du marché intérieur. Les programmes européens majeurs contribuent à cette uniformisation des niveaux de vie, les différences des formes de vie ne sont pas un enjeu politique. L’Europe n’est pas envisagée comme un ensemble multiculturel.
L’entrée en Europe et l’installation des ressortissants non européens, dont on devrait se réjouir, inquiète.
En dehors nationalistes, les abandons de souveraineté ne sont pas une source d’inquiétude. Si l’inquiétude envers une Europe multiculturelle a gagné en popularité, c’est en s’attachant à une autre dimension de la diversité : l’immigration du Sud, à laquelle s’ajoute une hostilité aux Roms. Venue pour une part importante des anciennes colonies, cette immigration, qui se développe depuis les années 1960, a pris, d’abord dans les pays du nord de l’Europe puis dans les pays du sud, une visibilité nouvelle. […]
Oui, il y a des différences de moeurs et parfois de valeurs, mais affirmons qu’il est souhaitable et possible de vivre ensemble. Les violences urbaines comme les tendances centrifuges qui se sont manifestées au sein des Etats européens résultent en partie d’un déficit de reconnaissance culturelle. Il est essentiel de dire que les libertés individuelles et collectives, l’expression de leur identité et l’exercice des droits sociaux s’appliquent aux membres des minorités culturelles qui vivent sur le sol européen. Cela ne va pas de soi.
L’Union n’est pas destinée à être un super Etat-nation défini à la manière herdérienne par une culture commune. Elle doit, comme l’union indienne ou les Etats-Unis, tenter d’associer des entités collectives différentes, unies moins par un passé commun que par un projet à réaliser. […] Le Monde