« La vérité est douloureusement évidente. Seuls les 20% de gens les mieux payés peuvent s’offrir un style de vie de classe moyenne », écrit Charles Hugh Smith sur son blog. Les autres ne peuvent simplement pas se le permettre, ou ils ont besoin de l’aide de l’Etat pour maintenir leur train de vie.
Que la classe moyenne serait accessible à tous les foyers dans lesquels deux membres de la famille perçoivent des revenus, avec un patrimoine en hausse, c’est-à-dire la version des gouvernements, n’est plus vrai.
Pour s’en convaincre, il suffit de lister les différents éléments que conférait l’appartenance à la classe moyenne dans les années 1960 :
- Bénéficier d’une assurance maladie sérieuse (c’est-à-dire avec des prestations inconditionnelles et des coûts de fonctionnement raisonnables).
- Avoir payé ou remboursé le crédit correspondant à une partie importante de son logement (25 à 50%)
- Gagner des revenus suffisants pour permettre d’épargner 6% de ces revenus chaque mois.
- Etre capable d’investir et d’épargner suffisamment pour sa retraite.
- Avoir la capacité de faire face à toutes les dettes et les échéances de crédit pendant plusieurs mois si l’un des deux soutiens de famille perd la source de son revenu.
- Posséder deux voitures par foyer.
- Le foyer ne nécessite pas de percevoir des indemnités, allocations ou aides du gouvernement pour maintenir son train de vie.
- Le foyer a des valeurs matérielles à léguer à ses enfants (biens hérités, or, outils, etc), sans qu’il s’agisse de titres de placement ou d’immobilier.
- Le foyer peut investir dans les études et les loisirs de ses enfants.
- Les deux soutiens de famille disposent de temps libre qu’ils peuvent consacrer à la poursuite d’activités culturelles, spirituelles ou sportives.
- Pour les classes moyennes supérieures : la capacité d’accumuler du capital humain et social à travers des formations pour apprendre des compétences supplémentaires.
- D’autres possèdent même des avoirs qui leur garantissent un rapport complémentaire tels que des biens en location ou un portefeuille de valeurs.
Ce que ces seuils impliquent, c’est que s’invoquer des statuts ou une consommation illusoires ne suffisent plus pour se réclamer de la classe moyenne. Pour faire partie réellement de la classe moyenne, le foyer doit posséder un patrimoine qui ne risque pas de s’évanouir dans la « bulle d’investissement du jour », il ne doit pas être menacé par le chômage, par le coût des études de ses rejetons ou un problème de santé.
La « vraie » classe moyenne se soucie de l’avenir de ses enfants et elle se concentre sur les questions de transmission de ses ressources à la prochaine génération plutôt que « sauver les apparences » en consommant à crédit.
Aux Etats-Unis, les 10% qui gagnent les meilleurs revenus empochent 51% du total de ces revenus, et la classe moyenne se réduit donc aux 10% qui perçoivent les revenus juste en dessous de ceux de ce groupe. Cela signifie que les 80% restants ne bénéficient pas de tous les attributs qui caractérisent la classe moyenne.
Au Royaume-Uni, on assiste à une situation similaire : la classe moyenne supérieure s’est scindée entre une « über classe moyenne » qui s’arroge les bénéfices de la mondialisation, souvent liée à la finance, et des millions de professionnels de la classe moyenne traditionnelle qui cherchent à conserver leurs avantages et leur mode de vie.
Les Belges sont dans une meilleure situation : la Belgique a la cinquième classe moyenne la plus prospère au monde. Il n’y a guère qu’en Australie, au Luxembourg, au Japon et en Italie, que la classe moyenne est encore plus riche que la nôtre, selon les données du Global Wage Report 2012-13 établies par Credit Suisse. A l’autre extrémité du spectre se trouvent les pays comme l’Espagne. En octobre dernier, Georges Plassat, le directeur général de la chaîne de supermarchés française Carrefour, avait déclaré que « la crise a détruit la classe moyenne espagnole ».
Toutefois, l’écart sans cesse croissant entre les riches et le reste ne peut pas être attribué uniquement aux forces obscures du capitalisme, estime Hugh Smith. Les riches sont devenus plus riches en raison de mesures gouvernementales qui ont été introduites pendant les Trente Glorieuses, à la belle époque de la classe moyenne, il y a une quarantaine d’années.