Le laboratoire Excell alerte sur la présence de ces molécules chimiques repro-toxiques dans les vins et spiritueux.
Une analyse du laboratoire Excell de Mérignac portant sur 100 vins et 30 spiritueux français, montre que seulement 17% d’entre eux ne contiennent aucune trace de phtalates, molécules repro-toxiques utilisées dans les plastiques. 11% d’entre eux renferment même des teneurs non conforme à la réglementation.
Tout le monde a entendu parler du Bisphenol A. Cette molécule chimique utilisée dans les plastiques, est prohibée en France dans les biberons depuis 2013, et va l’être de tous contenants alimentaires (emballages, mais aussi l’intérieur des conserves ou canettes…). Motif : c’est un perturbateur endocrinien, qui agit sur les hormones et est fortement suspecté de provoquer stérilité, malformations à la naissance et cancers.
Le bisphenol se range dans la catégorie des phtalates, qui compte une quarantaine de molécules. Or une étude récente sur un échantillon aléatoire de 100 vins (rouges, blanc, rosé, de toutes origines) et 30 spiritueux français, menée par le laboratoire Excell, révèle que les amateurs de vin biberonnent sans le savoir des doses non négligeables de certaines de ces substances, qui ne sont elles pas interdites en France :
« Nous avons procédé à l’analyse de la teneur en différents phtalates dans des vins et des spiritueux d’origine vinique français mis en marché sur le territoire européen ou destinés à l’exportation, précise la société basée à Mérignac. Dans les vins analysés, le di-butyl phtalate (DBP), le di-éthylhexyl phtalate (DEHP) et le butyl-benzyl phtalate (BBP) représentent les molécules les plus fréquemment dosables. (…) 59 % des vins recèlent des quantités significatives de DBP avec une valeur médiane atteignant 0,0587 mg/litre. Seuls 17 % des échantillons ne contiennent pas de quantité détectable d’au moins un des phtalates reprotoxiques et 19% n’en contiennent que des traces non quantifiables ».
1 vin sur 10 non conforme à la réglementation
Quelles sont les règles en vigueur sur à les phtalates dans les alcools ? Elles fixent des limites de migrations spécifiques de chaque molécule, c’est-à-dire la quantité maximale d’une substance autorisée dans les denrées alimentaires. Or Excell constate que plus de 11% des vins analysés et 19% des spiritueux, sont alors non conformes à cette réglementation !
« Ce sont les revêtements de cuves en résine époxydiques « qui représentent les sources majeures de pollution », indique Stéphane Boutou, responsable technique d’Excellé. Ces matériels sont utilisés de façon très courante dans les entreprises viti-vinicoles, sans conscience des risques que cela représente, et c’est pour cela que nous diffusons cette étude »
La durée de vie de ces cuves peut en effet durer plus de 20 ans, et donc remonter à une époque où les phtalates étaient massivement utilisés dans les revêtements, à hauteur de plusieurs points de % par gramme de plastique. Or l’alcool agit comme un solvant, contribue à altérer les parois, et donc à relarguer les contaminants dans les liquides…
Les phtalates interdits… au Danemark
L’étude du laboratoire Excell lui permet de promouvoir sa « technique alternative » développée dans son laboratoire, qui doit permettre de conserver des revêtements contaminants « en mettant en place une surcouche à effet barrière ». Mais aussi de vanter sa technologie d’analyse, alors que certains pays, comme le Danemark, interdisent strictement l’utilisation des phtalates, et que les lois européennes évoluent.
Dans le cadre du règlement européen REACH sur les substances chimiques, l’utilisation des phtalates repro-toxiques va en effet être restreinte d’ici 2015. Le DEHP, le BBP et le DBP ne pourront ainsi « plus être fabriqués ou importés s’ils n’ont pas obtenu, pour un usage bien défini, une autorisation spécifique de la commission européenne ». Dans une formulation alambiquée dans l’Europe a le secret, cette autorisation ne sera octroyée que pour certains usages spécifiques, s’il est prouvé que le risque est valablement maîtrisé ou s’il n’existe pas de moyens de remplacement appropriés…
En France, Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, a lancé la semaine dernière la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, afin de réduire l’exposition de la population et de l’environnement à ces molécules, et de faire progresser l’expertise :
« Il faut désormais la mettre en oeuvre pour bannir tous les perturbateurs endocriniens, pas seulement le bisphenol, car les phtalates interagissent dans le cadre de l’effet-cocktail, et on les sait nocifs à très faible dose », souligne le chimiste et toxicologue André Cicolella, du Réseau environnement santé, ONG partie prenante de cette stratégie nationale.