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Fondé en 2002, le mouvement Boko Haram suscite toutes les attentions depuis la prise d’otages de 250 jeunes filles au Nigeria. Pour Alain Chouet, ancien directeur du renseignement de sécurité à la DGSE, Boko Haram n’est pas le mouvement de fous furieux présenté par les médias, mais un mouvement plus structuré largement abondé financièrement par les monarchies pétrolières du Golfe.


 
(…)

Vous dîtes que le financement de Boko Haram ne relève pas seulement, comme on le dit, des trafics et des rançons  ?

C’est une partie du magot, mais quand vous montez une armée — et Boko Haram commence à ressembler à une armée avec plusieurs milliers de personnes —, il faut avoir des revenus réguliers. Le brigandage et les prises d’otages ne le permettent pas. Il faut un fonds de réserve qui permette de payer les soldes en permanence et d’alimenter les troupes, ce n’est pas forcément très cher mais il faut que cela soit régulier. C’est là qu’interviennent les porteurs de valises, les intermédiaires, ce sont des Africains en général qui sont bien en cour auprès de certaines pétromonarchies. Ce sont des choses qui sont connues des services de renseignement, mais comme la tension monte, ce n’est pas tellement à la mode de le dire.

Est-ce que vous iriez jusqu’à dire que Boko-Haram est financé par les pétromonarchies du Golfe ? 
Le Nigéria, rappelons-le, est le sixième exportateur de pétrole. Disons qu’il y a une volonté des pays de l’OPEP de maintenir une pression permanente sur le pouvoir nigerian pour s’assurer sa docilité et qu’il n’aille faire trop de bêtises sur les marchés pétroliers. Cela permet de faire pression sur le président de la République nigérian, Jonathan Goodluck, qui est parfois un peu imprévisible en ce qui concerne la marche de l’économie de son pays et de garder la main sur l’islam africain, qui est mal ficelé. Il y a un jeu d’influence entre l’Iran et l’Arabie saoudite dans cette partie du monde. Depuis 1978, l’Iran a essayé d’implanter le chiisme dans cette partie monde musulman sunnite, mais pas trop sûr d’être sunnite, pour contourner l’Arabie saoudite et essayer de « fabriquer » des chiites en Afrique.

 


« LES 250 JEUNES FILLES ENLEVÉES CONSTITUENT UN MAGOT ET UN BOUCLIER »

La mobilisation internationale autour de ces 250 jeunes filles est quand même un coup de maître : elle a permis de faire monter les enchères ? 

C’est un bon coup en effet. Ces jeunes filles constituent désormais un magot politique et de propagande. Les islamistes ont très bien compris comment fonctionnait l’Occident. Le temps de résilience de l’information, c’est trois mois. Une fois passé ce délai, tout le monde a tout oublié. Pour continuer à faire l’actualité, il faut donc refaire ce genre de coups tous les trois mois. Ils ne font pas la guerre, ils essayent de vivre politiquement, donc il leur faut trouver le moyen de faire des actions suffisamment spectaculaires en prenant le moins de risques possibles. Et là, ils ont tiré le gros lot car cela risque de durer des mois. Personne au Nigéria ne va payer pour elles. De même, la mobilisation internationale est touchante, mais comment réagiront les opinions publiques américaines ou européennes si on leur dit que c’est avec leur argent que vont être payées les rançons pour les libérer. Sans compter qu’officiellement, on ne paye pas de rançons.
De plus, si les gens de Boko Haram sont un peu malins, ils vont les avoir dispersés dans une dizaine d’endroits différents. Les Américains aiment beaucoup utiliser les drones depuis quelques années. Mais « taper » avec des drones est risqué : vous n’êtes pas à l’abri de perdre des gamines dans l’histoire. Et maintenant que l’opinion publique internationale regarde cette partie du monde en espérant qu’on va libérer 250 gamines, le fiasco est interdit. Ces gamines sont aujourd’hui un bouclier humain pour Boko Haram.

(…) Marianne

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