Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur, s’inquiète : L’Union européenne va-t-elle survivre ? Par l’addition d’une abstention record et la montée effrayante des partis nationalistes, l’Europe unie est en passe de devenir une idée morte en Europe.
Au-delà des faux-semblants, des étiquettes trompeuses, des protestations démocratiques, derrière ce concept fou de populisme qui veut tout dire, c’est-à-dire rien, il n’y a qu’une voie en dehors de l’Union : le retour du nationalisme. Beaucoup d’anti-européens s’en défendront. Ils invoqueront la souveraineté populaire, la défense d’une “identité malheureuse”, la solidarité entre citoyens qui suppose un cadre national.
Entre ceux qui ne voteront pas et ceux qui voteront contre, seule une minorité de citoyens formera la base électorale des partisans de l’Union dans le Parlement que nous élirons dimanche. Péripétie ? Crise passagère ? Sûrement pas. Imaginons un référendum à l’image de celui de 2005, proposant une nouvelle avancée de l’Union. Qui peut croire que le oui l’emporterait ?
L’origine de cette dégradation est limpide. En organisant cinq ans de stagnation et en acceptant un chômage massif sur le continent, ceux qui ont piloté l’Europe depuis la crise ont pris une responsabilité historique. A leur bilan social calamiteux, ils viennent d’ajouter une ultime maladresse : la négociation en secret d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis qui pourrait avoir son utilité, mais dont plusieurs clauses réduisent le pouvoir des Etats démocratiques au profit des multinationales et risquent d’abaisser dangereusement les normes écologiques ou sanitaires en vigueur en Europe. Obscurité, technocratie, libéralisme sans principe, pouvoir diffus et caché… L’Europe n’est pas morte. Mais l’Europe se meurt. […]
Bien vite on retrouvera la vraie nature du discours anti-européen : la fermeture, l’intolérance, la dureté à l’égard des étrangers, la restauration des frontières à l’ancienne, l’isolement, le renoncement à toute influence planétaire, illusions brutales et dangereuses dont on espère la protection contre la mondialisation mais qui ne protégeront rien d’autre que la bêtise à front de taureau de ceux qui sont nés quelque part. […]
Nouvel Obs