Les Vénézuéliens, qui disposent d’autoroutes gratuites et d’essence quasiment offerte, peinent à acheter des voitures en raison de la chute vertigineuse de la production locale et doivent les attendre plus d’un an, assis sur des montagnes de bolivares se dépréciant chaque jour.
Les lignes d’assemblages au Venezuela tournent au plus bas, produisant à peine un cinquième des véhicules montés l’année dernière. Quatre des sept assembleurs du pays – Toyota, Ford, Chrysler et Iveco – ont dû peu à peu suspendre leur production depuis février, faute de pouvoir importer des pièces détachées.
En raison du strict contrôle des changes instauré depuis 2003 au Venezuela, tout acteur économique souhaitant disposer de devises pour importer biens et produits doit en faire la demande aux autorités, qui les délivrent au compte-goutte. Le patronat affirme que le secteur automobile a perçu en 2014 seulement 1 % des devises accordées aux importateurs.
En 5 ans, la production a baissé de 50 %
En conséquence, la production automobile a accusé une chute de 82,6 % en 2014 par rapport à la même période de l’année dernière, selon la Chambre des constructeurs du Venezuela. En 2012, 104.000 unités sont sorties de lignes d’assemblages locales, en 2013, 72.000, et au cours des quatre premiers mois de 2014, à peine 3.990. En cinq ans, la production a chuté de moitié, dans un pays de 30 millions d’habitants.
Face à la crise, le gouvernement du président Nicolas Maduro a convoqué cette semaine Ford, Chrysler, Toyota et General Motors (GM) pour évoquer notamment “les points critiques“, comme les retards de versements de devises par l’État au secteur, estimés à 2,8 milliards de dollars.
La crise de la production et de l’offre de véhicules est installée depuis plusieurs années dans ce pays disposant des plus importantes réserves de pétrole au monde. Et où l’essence, subventionnée, est quasiment gratuite.
Dans de nombreuses concessions, les vigiles ne surveillent que des salles vides et les employés qui restent reçoivent dans des bureaux désespérément déserts. Les acheteurs n’ont d’autre choix que de s’inscrire sur des listes d’attente de plus d’un an pour espérer pouvoir obtenir un véhicule neuf.
Ou bien de verser des pots-de-vin : un acheteur a ainsi confié sous couvert d’anonymat avoir remis une enveloppe de 150.000 bolivares à son concessionnaire pour accélérer l’achat d’une voiture neuve de 410.000 bolivares. “Je ne regrette pas de l’avoir fait, sinon, je n’aurais pas ma voiture“, a-t-il assuré.
L’occasion plus chère que le neuf
Les classes moyennes et supérieures avaient pris l’habitude ces dernières années d’acquérir des voitures neuves pour se prémunir d’une inflation qui atteint désormais les 60 % annuels, le quadruple des intérêts versés sur un compte-épargne. Mais la demande dépassant l’offre, les clients doivent se rabattre sur le marché de l’occasion, où les voitures coûtent plus cher que les neuves dont les prix sont contrôlés par le gouvernement.
A titre d’exemple, une Mitsubishi Lancer 2014 neuve est vendue 458.000 bolivares (45.800 dollars au taux officiel, mais 6.500 si l’on change au marché noir). Le même véhicule d’occasion de l’année 2012 sera négocié 1,3 million de bolivares (130.000 dollars officiels ou 18.500 au marché noir).
Cette voiture d’occasion représente environ quatre ans de revenus pour une famille de la classe moyenne. Et le montant de la transaction peut remplir le coffre entier d’un véhicule dans ce pays où le billet le plus élevé est de 100 bolivares, a peine 1,5 dollar au taux parallèle.
Cet effondrement de la production inquiète le secteur, notamment les ouvriers. “Nous pouvons perdre nos postes de travail, nous sommes ceux qui souffrons le plus. Il y a des problèmes et on ne parle pas clairement, les accords ne se concrétisent pas, il n’y a pas de date pour les allocations de devises et pour finir, nous ne savons pas quand redémarreront les usines”, explique Christian Pereira, dirigeant de la Fédération unitaire des travailleurs de l’automobile (Futaac).
Selon cette Fédération, le secteur de l’assemblage représente 11.000 emplois directs, et 100.000 indirects – presque 1% des emplois du secteur privé.