Les poissons sont en bas, qui font de l’engrais, les plantations sont en haut, qui font des tomates: bienvenue à la “ferme-container“, prototype d’une agriculture urbaine qui allie pisciculture et cultures maraîchères, et cœur de métier d’une start-up berlinoise.
Dans la cour pavée d’une ancienne brasserie de la capitale allemande se dresse la mini-ferme de la société ECF: un container qui abrite l’élevage de poissons, coiffé d’une serre où poussent tomates, blettes et poivrons. Le principe est simple: des bactéries transforment l’ammonium des déjections des poissons en nitrates, qui servent d’engrais pour les cultures un étage au-dessus.
Les Aztèques utilisaient déjà cette méthode, connue sous le nom d’aquaponie, une contraction d’aquaculture et hydroponie. Ce dernier vocable désigne un procédé agricole où les plantes ne poussent pas dans la terre mais sur un substrat neutre (sable ou roches par exemple) régulièrement irrigué.
Cette technologie permet à l’agriculture de se libérer de la contrainte d’un sol fertile et donc de quitter la campagne… Un atout important dans un contexte d’urbanisation croissante au niveau mondial.
Nicolas Leschke a fondé ECF (pour Efficient City Farming) avec un partenaire en 2012. “Notre vision est de fournir aux citadins l’accès à des denrées agricoles produites de manière durable“, explique-t-il. Leur entreprise a reçu un prix de jeune pousse innovante en Californie l’année dernière.
Non seulement l’aquaponie permet de réduire considérablement la consommation d’eau et les émissions de dioxyde de carbone – celui émis par les poissons est utilisé pour la culture des plantes -, mais l’implantation de ces fermes en ville permet aussi de réduire les coûts financiers et environnementaux pour la conservation et le transport des aliments, tout en garantissant leur fraîcheur, s’enthousiasme l’entrepreneur, en grignotant une feuille de blette fraîchement cueillie.
Projet grandeur nature en 2015
La ferme-container est un prototype qui sert de démonstrateur pour cette technologie à petite échelle. La société a vendu deux ou trois de ces fermes miniatures à des particuliers, mais “l’agriculture comme ‘hobby lifestyle’ n’est pas notre objectif“, précise M. Leschke.
ECF veut vendre des fermes de plus grande envergure à des développeurs immobiliers, des entreprises ou même des agriculteurs. “Nous avons des demandes du monde entier“, raconte-t-il.
Le premier projet “grandeur nature” va voir le jour l’an prochain: ECF a acheté un terrain au sud de Berlin et va construire une ferme aquaponique sur 1.800 mètres carrés. La société s’est assurée pour cela le soutien financier de la Banque d’investissement de la ville de Berlin (IBB).
La ferme sera flanquée d’un magasin qui vendra les fruits et légumes produits, et les Berlinois pourront se faire livrer chaque semaine avec un système d’abonnement. Les poissons seront également vendus à la demande “pour des restaurants par exemple, ou si quelqu’un nous appelle et nous dit ‘je fais un gros barbecue ce weekend, mettez-moi dix poissons de côté‘”.
M. Leschke mise sur un chiffre d’affaires d’environ 550.000 euros par an pour cette ferme – qui contrairement au prototype sera à un seul niveau.
Chez ECF, même si “tout est de facto bio dans ce que nous faisons“, la production n’est pas estampillée bio – pour obtenir ce sigle, il faut que les plantes poussent en terre.
Cela tombe bien: pour beaucoup d’aliments frais, la régionalité est un critère d’achat plus important que le bio, selon une étude menée l’an dernier en Allemagne, Suisse et Autriche par le cabinet de conseil ATKearney. Fraîcheur, qualité et souci de soutenir l’économie locale sont parmi les motivations principales des consommateurs dans ce choix pour le “nouveau bio“.