Analyse de Laurent Chalard (géographe) sur le «repli identitaire» des «périurbains» et leur rejet du multiculturalisme des grandes villes.
Le caractère multiculturel de Paris, qui s’est effectivement accentué ces dernières décennies, n’a néanmoins rien de nouveau. Pensons aux artistes du Montparnasse des années 1920, dont bien peu avaient des origines françaises !
La cartographie des résultats des élections européennes de dimanche en France montre que dans l’espace périurbain, la droite, sous sa forme républicaine ou extrême, l’emporte constamment, la gauche paraissant totalement absente de ces territoires. De vastes auréoles «bleu» ou «bleu Marine» se dessinent autour du cœur des grandes métropoles françaises. […] Dans l’espace périurbain, comme l’a montré le géographe Jacques Lévy, la vie se fait en vase clos, entre personnes relativement semblables sur le plan sociologique et ethnique, conséquence de son fort compartimentage entre des communes ou des lotissements pour cadres aisés ou très aisés, d’autres pour cadres moyens et pour classes moyennes basses. En revanche, les catégories sociales les plus pauvres sont largement sous-représentées, vu le très faible pourcentage de logements sociaux dans ces communes. Ces caractéristiques intrinsèques apparaissent favorables au repli identitaire, le «dehors» apparaissant menaçant face à la maison sécurisante. […] Il émerge consécutivement un conflit culturel chez ces populations entre une campagne idéalisée, où seraient préservées les racines de la « France éternelle », et les grandes métropoles, « mères de tous les vices » avec leur société multiculturelle, considérée comme allochtone et de ce fait forcément «dangereuse». Les périurbains ont une vision de la France tournée vers le passé. Pour ses résidents, l’espace périurbain serait effectivement le lieu de sauvegarde d’une identité française menacée dans les principales agglomérations du pays, qui auraient perdu le sens de la nation et seraient désormais des organismes « hors sol » dont il faut se protéger en élevant des barrières. […] Le Monde
