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Tribune de Luc Le Vaillant dans Libération.
Je me suis d’abord dit que ça allait comme ça. Que ça suffisait avec nos ressassements gnangnans sur le FN triomphant et pas même arrogant […].Et je me suis souvenu que les nouveaux maires FN n’étaient pas beaucoup plus âgés que leurs opposants, que certains d’entre eux étaient gays, juifs ou issus de l’immigration.

Le FN fait aussi sa pelote parce qu’il a agrégé, à ses névroses sécuritaires, des propositions solidaires et protectrices que la gauche de gouvernement a jetées avec l’eau du bain européen.

Et si le FN était plus à gauche que Hollande, plus social que le PS, plus anticapitaliste que le NPA ?
Je vous entends déjà hurler. Et moi aussi, ça me fait hurler. Mais, ça n’empêche pas d’y réfléchir, d’y revenir. D’abord, on est bien d’accord que le FN est un parti xénophobe, limite raciste, que c’est un organe autoritaire et réactionnaire, prônant le rétablissement de la peine de mort et la limitation de l’avortement, même si sa patronne s’affiche «gay friendly et féministe divorcée».
Une fois cela posé, laissez-moi donner tort à ceux qui pensent que le FN prospère uniquement sur les tourments identitaires français, sur la peur du grand large continental, sur l’angoisse du déclin occidental, sur la haine de l’autre et la détestation de l’étranger. […] Le FN de Jean-Marie était ultralibéral, flingueur des fonctionnaires en surnombre, proche des intérêts des commerçants, artisans et petits patrons. Le FN de Marine, lui, vient au secours des catégories perdues par la gauche, celles des ouvriers minés par la précarité, celle des déclassés bientôt au RSA, celles des inquiets à la recherche d’un care archaïque. Le bleu Marine tamponne au Mercurochrome éventé, médecine estampillée PCF années 70, les fractures sociales qui se rouvrent à chaque spasme européen. […] Evidemment, je ne suis pas totalement ahuri. […] Je sais bien que le FN n’est pas très stabilisé sur ses pilotis néococos quand il imagine qu’il va s’en tirer en sortant de l’euro, en fermant les frontières et en réservant l’emploi aux «bons Français».
Mais en face, ça dit quoi ? En face, la gauche se vend pour des queues de cerise à la concurrence libre et non faussée. En face, Hollande se convertit à l’austérité bancaire au lieu d’imposer la remise des dettes souveraines à ces créanciers que les nations ont sauvés en 2008. En face, l’Europe des bons pères, démo-chrétiens et sociaux-libéraux mêlés, ouvre le continent à tous les vents du dumping fiscal et social.[…] Libération

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