Elisabeth Lévy est journaliste et directrice de la rédaction du magazine «Causeur». Dans son numéro de juin, le magazine s’interroge sur le sens de l’expression «politiquement correct» et donne la parole entre autres à Natacha Polony, Alain Finkielkraut, Michel Maffesoli, Rachida Dati et Patrick Cohen.
Ce qui caractérise notre situation, c’est précisément que l’opinion dominante, telle qu’elle s’exprime dans les médias et les universités, est de plus en plus minoritaire. Et plus cette minorité dominante est minoritaire, plus elle est hargneuse et prétend rééduquer le peuple qui pense de travers.
Le terme «politiquement correct» n’a-t-il pas fini par être galvaudé ?
Si, au point de devenir un vague synonyme de «bien-pensance» ou de «pensée unique». Or, à l’époque des «mutins de Panurge», le bien-pensant, c’est toujours l’autre! Il faut tout de même être aveuglé par la paille dans l’œil du voisin pour oser affirmer qu’il est inconvenant, ou politiquement incorrect, ou dérangeant, ou impertinent, de s’extasier devant Conchita Wurst ou de défendre le mariage homosexuel.
En réalité, ces points de vue prétendument avant-gardistes sont au cœur de la pensée automatique qui définit le conformisme de l’époque – «comment peut-on être contre le «mariage pour tous», «comment peut-on être contre l’immigration massive», «comment peut-on avoir peur de l’islam». Autant de questions qui se ramènent à une seule: «comment peut-on être de droite ?»
Pourquoi la droite a-t-elle intériorisé son infériorité morale et s’est-elle laissée tétaniser par le «gauchisme culturel» dénoncé par Jean-Pierre Le Goff ?
La réponse est dans la question: c’est précisément parce que la gauche a réussi à déplacer toute la discussion sur le terrain moral et, sur ce terrain, à apparaître comme la représentante ontologique du Bien. Or, la droite avait autant de défaillances que la gauche à se faire pardonner. Je sais bien que c’est une majorité de gauche qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain, mais c’est tout de même à droite que la Révolution nationale prend sa source idéologique. De même, pour les Ligues et pour l’antisémitisme maurrassien. Alors bien sûr, il y a le sidérant tour de passe-passe grâce auquel une partie de la gauche communiste et intellectuelle s’est octroyé l’absolution malgré son soutien ou son aveuglement aux crimes du communisme.
Cela explique la prétention de la gauche à la supériorité morale, pas que la droite s’y soit laissé prendre…
À ces explications idéologiques, s’en ajoute une autre, plus circonstancielle, qui tient à la domination du champ culturel et médiatique par la gauche. Or, on pourrait résumer les deux ou trois dernières décennies par une lente prise du pouvoir par les médias, notamment sur les politiques. Ainsi s’est installée l’idée, ou disons le sentiment diffus, que pour faire carrière, il fallait d’abord plaire aux médias. Beaucoup de gens, y compris à droite, n’ont pas encore intégré le fait que Le Figaro, c’est beaucoup plus de divisions que Libération. […]
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