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Pour Charles de Laubier, journaliste, il est temps préserver le football du feu «patriotique». Il appelle à une «séparation du football et de l’Etat»

La soi-disant « identité nationale » prend le pas sur l’épreuve sportif. «Je ne me reconnais pas particulièrement dans cette équipe [de France de football]», avait déclaré en 2010 celle qui est aujourd’hui à la tête du Front national. Encore beaucoup n’admettent toujours pas la capacité du sport à intégrer des joueurs d’origine étrangère. Alors que les transferts internationaux de joueurs de «foot», entraînés par la mondialisation dans un vaste mercato, défient depuis longtemps les frontières sportives. Et avec succès, en terme de diversité.

L’équipe de France de football a un siècle cette année. […] De récents incidents à caractère raciste ont souligné le besoin d’actions concrètes permettant de combattre ce fléau sur les terrains de football », s’est inquiété le monde du ballon qui ne tourne plus rond. […]

La France, où le football est le premier sport national, voire une religion comme au Brésil, n’échappe donc pas à ces dérive. Partout dans le monde, le racisme, la xénophobie, l’anti-sémitisme ou le nationalisme tentent d’arbitrer les rencontres. Or il est temps que la République française, elle, songe à la séparation des sports et de l’Etat – comme elle a pu le faire il y a plus d’un siècle avec la séparation des églises et de l’Etat. Les sports, comme les religions, n’ont en effet plus à être des « affaires d’Etat ». […]

Sur le terrain, en effet, il ne se passe pas un match sans que le drapeau français, l’hymne national ou encore le président de la République lui-même ne soient appelés en renfort et ne deviennent les faire-valoir d’un rituel à la gloire de la patrie que l’équipe nationale est censée ou prétend représenter. Cette équipe de France – surnommée «les Bleus» ou «les Tricolores» – est littéralement le porte-drapeau national.

L’Etat lui-même contribue allègrement à cette sublimation sportive qui vise à faire vibrer à souhait la fibre patriotique et identitaire des joueurs et supporteurs. Les joueurs de l’équipe de France sont ainsi considérés comme des « ambassadeurs de France ». Et depuis leur consécration en 1998, après avoir remporté la Coupe du Monde de football, le patriotisme sportif est à son comble. […]

Il est temps de couper le cordon ombilical entre l’équipe «Black-Blanc-Beur» sans frontières et l’Etat pour ne plus prêter le flan au feu «patriotique». Dans les stades, le cocktail devient explosif : violences, hooliganismes, racismes, xénophobies, fascismes, meurtres, … […] Il faut donc bannir drapeaux, hymnes et équipes «nationales» des enceintes sportives pour éviter l’irréparable et, partant, ne plus voir l’Etat se retrouver en porte-à-faux avec les intérêts économiques du «sport business» qui ne sont plus les siens.

Le Monde

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