Papier de Gabriel Richard-Molard, chroniqueur
Le titre pose les données du problème. La privatisation latente de la presse et sa dépendance à une pensée économique qui cherche le profit oriente considérablement la production et la diffusion de l’information. Il faut que cette dernière soit rapide, clivante et surtout vendeuse. L’élection européenne en a été le parfait exemple et le Front national, micro-parti qui aime faire parler de lui en mal, en a été le véhicule. Cela n’aurait cependant jamais été possible sans la complicité de la presse qui a sciemment joué son rôle de démultiplicateur de la pensée frontiste. […]
Le discours du Front national et toute sa mythologie artificielle est un objet médiatique parfait dans ce contexte. Il est premièrement le parfait écho de la pulsion morbide d’un pays qui regarde en arrière et qui voudrait revenir au temps des colonies. Il se revendique deuxièmement d’un modèle alternatif alors même que ses dirigeants sont soit de grands bourgeois (la famille Le Pen pour ne citer qu’elle), soit des parfait produits du système (80% de la direction du FN sont des énarques) et dernièrement, entretient avec maestria le sens du buzz médiatique en suivant la ligne de crête entre ce qu’ils appellent être le politiquement correct et les frontières données par le droit en matière de liberté d’expression. Dire homosexuel à la place de “grosse tapette” ou de confession israélite à la place de “youpin” est un progrès. Si si… […]
Les chaines d’information en continu sont à l’évidence les premières fautives. […] En donnant systématiquement la “priorité aux fachos” et non “à l’info”, ces chaines permettent la banalisation permanente de concepts politiques qui n’ont pas leur place dans notre démocratie du début du 21e siècle.
Si l’histoire humaine est celle de sociétés qui se développent et apprennent de leurs erreurs, nous avons collectivement accepté de bannir du langage utilisé en public l’expression de la différence qui porterait sur des critères raciaux ou religieux. Nous avons également fait le pari de créer des États ouverts vers l’extérieur car nous savons que se refermer et regarder en arrière ou au choix, son nombril, ne fait qu’augmenter la crainte et la haine de l’autre.
Si parler vrai, c’est aller à l’encontre de cela, c’est simplement parler con. […]
Même si elle est connue pour son franc-parler, Marine le Pen et son parti sont des bourgeois, nourris au sein même qu’ils abhorrent, c’est-à-dire leurs indemnités au Parlement européen.
Avant, quand un chien mordait la main qui le nourrissait, on le piquait, aujourd’hui on les met en cage. […]