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En Algérie, le copiage, lors des examens, est presque devenu un sport national, tant il est vrai qu’aucune institution pédagogique, de l’école primaire jusqu’à l’université, n’est épargnée par ce procédé inélégant.

Par Lydia Rahmani

Il est pratiqué sans honte, assumé même, par bon nombre d’apprenants qui s’y adonnent sans en rougir.

Or, tricher, c’est enfreindre les lois civiques et divines, sachant que ce procédé est abhorré par le Créateur et censé être proscrit par les croyants. Et quand la triche a pour scène la prestigieuse université des sciences islamiques Emir Abdelkader de Constantine (USIC), cela dépasse l’entendement,

surtout quand on n’hésite pas à déchirer les pages du Saint Coran pour arriver à ses fins !

En cette «période studieuse» de l’année, entre examens de fin de cycle et de contrôles d’évaluation, la tentation est forte pour certains adeptes de l’antisèche. Tous les moyens sont bons pour cela et pas des moindres. Fini les petits bouts de papier (lahrouz) qui passaient d’une main à l’autre en catimini, ou les réponses minuscules gravées sur la paume de la main. Les tricheurs ont recours à présent à la technologie.

Grâce au bluetooth et au kit mains libres, ils excellent dans l’art de copier, mais il ne faut surtout pas les surprendre en flagrant délit de triche et les «contrarier» dans leur besogne. Ils se défendent avec audace auprès du surveillant qui a ouvert l’œil (et le bon) et pu les débusquer. En fait, il faut, selon leur conception des choses, les laisser faire et se taire à l’instar des trois petits singes de la sagesse
asiatique : ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire ! Mais alors, quelle attitude adopter, quelle sanction faut-il administrer à des personnes dont l’immoralité les pousse à déchirer des pages entières du Coran ?

«Yajouz» de tricher

A l’université des sciences islamiques de Constantine, des étudiants dénués de scrupules ont trouvé la parade pour copier en toute «liberté», en décrétant que la triche pouvait être considérée comme licite pour ne pas molester le Coran  en commettant des erreurs. C’est le copiage «halal». Se cachant sous le fallacieux prétexte d’éviter de se tromper en  rédigeant ou en lisant des verstes du Coran notamment, certain(es) étudiant(es) inscrits dans cette université foulent carrément aux pieds les préceptes fondamentaux de l’Islam et les fondements de la religion musulmane en s’adonnant à des pratiques indignes de cette institution, où les valeurs humaines sont censées y être rigoureusement respectées.

D’après les révélations d’une enseignante exerçant au sein de l’université Emir Abdelkader, bon nombre d’étudiants et d’étudiantes inscrits dans les diverses filières copient, sans scrupules, mais «les filles copient plus grâce à leur khimar (foulard) par le biais du kit mains libres, alors que d’autres déchirent, sans vergogne, des pages du Coran au cours du module de la psalmodie (Tartil) arguant que dans ce contexte le copiage ‘‘yajouz’’».

Visiblement choquée par ces comportements immoraux, cette enseignante impute les racines de ce mal à l’état du pays. Pour elle, «l’Algérie entière est érigée sur la triche, l’université des sciences islamiques ne constitue donc qu’une goutte d’eau dans un océan de roublardises.» Décidée à «vider son sac», selon ses propres termes, cette enseignante déplore, par ailleurs, l’immensité de la salle de conférences de l’université, «non appropriée pour le déroulement des contrôles, d’autant que le nombre de surveillants reste insuffisant.»

Mais, en règle générale, avance-t-elle, les enseignants préfèrent fermer les yeux pour ne pas avoir à essuyer les foudres des tricheurs. Quant aux sanctions infligées aux copieurs épinglés, elles consistent en un simple «avertissement écrit», nous dit-elle. Au demeurant, rien de bien dissuasif pour contrer des adeptes de l’antisèche, «multirécidivistes», expérimentés dans l’art de la triche.

Un choix par défaut

Le Dr Abdallah Boukhelkhal, recteur de l’université Emir Abdelkader, dément quant à lui formellement l’existence de cas de triche dans son illustre établissement universitaire. «Les cas de triche sont rares. En 17 ans, nous n’avons enregistré aucun écart lors des concours de Magister ou de Doctorat. Durant toutes ces années, nous n’avons déploré que 5 ou 6 cas de triche. L’année dernière, nous avons exclu, pour une durée d’une année, une étudiante qui avait copié à l’aide du bluetooth pour que cela serve d’exemple aux autres étudiants de l’université.»

Si l’on tient compte des propos du responsable de cette université, l’USIC serait donc «un no man’s land» où la moralité des étudiants est inaltérable et où tous les mauvais comportements sont bannis.  «L’Islam nous dicte nos actes et veut que toute personne ayant embrassé la religion musulmane se tienne éloigné de tout ce qui est contraire aux préceptes de l’Islam», soutient-il avec ferveur et conviction.
Une conviction, hélas, pas toujours partagée par des apprenants, souvent orientés vers les filières de l’université des sciences islamiques par défaut et non par choix assumé.

Asma porte le hidjab depuis 4 ans, à la demande de ses parents, précise-t-elle. En décrochant son baccalauréat série Lettres il y a deux ans,  elle était loin d’imaginer à ce moment-là qu’elle allait poursuivre des études supérieures à l’USIC. «Je ne me suis pas inscrite de mon propre gré à l’université des sciences islamiques de Constantine, c’est un problème d’orientation lié à ma moyenne qui ne m’a pas permis d’accéder à d’autres filières dans lesquelles je me serais peut-être sentie plus à l’aise. Je me suis inscrite à la faculté de littérature et de la civilisation islamique. Cela m’intéressait au début, mais après j’ai commencé à éprouver des difficultés à suivre, mais j’essaye malgré tout de réussir, sinon mes parents mettront un terme à mes études.» C’est le moment opportun pour lui poser la question qui fâche : «As-tu eu recours au copiage pour obtenir de bonnes notes aux contrôles ?»

La réponse était laconique et se voulait convaincante : «Non, je ne l’ai jamais fait.» Mais après une brève hésitation, Asma confie avoir vu certains de ses camarades de promo recourir au copiage. Et d’asséner : «Tous les subterfuges sont bons, y compris le recours à un argumentaire abracadabrant inhérent à la religion, comme par exemple  celui de proclamer halal le fait de copier dans les modules consacrés aux langues étrangères parce que relatives à des pays dits mécréants.»

Rien que cela ! Et dire que l’université forme les cadres de demain ! Des cadres dont bon nombre arriveront sur le marché du travail en empruntant des chemins tortueux et délictueux. Certains d’entre eux, diplômés es-copiage en sciences islamiques, prêcheront, une fois sur le marché, les vertus de la bonne morale et vilipenderont les… copieurs. Drôle d’époque !

elwatan.com

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