Face à l’afflux des migrants en Méditerrannée, l’Europe choisit une politique migratoire d’externalisation qui fait des pays africains un bouclier. L’Italie supporte quasiment seule l’opération militaire et humanitaire de sauvetage en mer, Mare Nostrum, lancée après le drame de Lampedusa. Une opération qui coûte 9 millions d’euros par mois à l’Italie et pour laquelle l’Europe a débloqué une enveloppe de 30 millions.
Au total, en 2013, les entrées illégales en Europe ont augmenté de 48%, avec plus de 107 000 migrants, en raison principalement de l’afflux de ressortissants érythréens, syriens, somaliens et afghans. L’année 2014 s’annonce critique. L’UE et le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés notent un accroissement massif des arrivées en Italie, mais aussi une pression accrue en Espagne et en Grèce.
De son côté, la Libye ne veut plus être le garde-côte de l’Europe. En mai dernier, le ministre libyen de l’Intérieur par intérim, Saleh Maze, a menacé l’Europe de « faciliter » le transit des clandestins, si l’Union européenne n’aidait pas son pays à contrôler les flux. Entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, seul point de passage terrestre pour les migrants clandestins, les dispositifs se durcissent. Selon les témoignages d’ONG marocaines, le royaume chérifien aurait entamé ces dernières semaines la construction de sa propre frontière grillagée. […]
L’Union européenne envisage également de créer des centres de traitement en Afrique du Nord, notamment en Libye et en Egypte, pour gérer les flux de migrants et les demandes d’asile, mais qui font craindre de nouvelles violations des droits humains. «Ce sont des centres réhabilités dans lesquels il y a eu des mauvais traitements, de la torture, des détentions arbitraires», s’alarme Jean-François Dubost. […]
Outre la coopération avec les pays tiers, la task-force pour la Méditerranée devrait mettre l’accent sur les opérations d’interception et de sauvetage en mer. «Le plus bel exemple c’est l’opération Mare Nostrum portée par l’Italie, avec certes un appui financier de l’UE, mais sans aucun soutien politique (…) Il faut clarifier et européaniser les règles d’intervention et de sauvetage en mer. Et puis savoir, que deviennent les migrants qui sont interceptés ? Pour nous, ils sont sous la juridiction des Etats membres de l’UE et doivent être débarqués sur le territoire européen. Qu’ensuite ils soient renvoyés, s’ils ne peuvent prétendre à un statut de réfugiés. En tous cas, qu’il n’y ait pas d’hypothèse de renvoi vers les pays de la rive sud de la Méditerranée», indique Jean-François Dubost d’Amnesty France. Une position qui va l’encontre des accords de réadmission de migrants clandestins contre la délivrance de plus de visas, actuellement discutés avec certains des pays du sud de la Méditerranée, comme le Maroc et la Tunisie. […]