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Un enquêteur de la PJ raconte comment la violente agression dont il a été victime pendant une émeute de forains a remis en question sa vocation. Frappé violemment à la tête, une partie de sa boite crânienne «a explosé en petits morceaux». Extraits de son témoignage livré sous le couvert de l’anonymat.

L’histoire de Benjamin (son prénom a été changé), enquêteur de la police judiciaire dans une grande ville de province, est à la fois singulière et ordinaire. Singulière car il a été blessé dans l’exercice de ses fonctions et honoré à ce titre – Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, lui avait téléphoné sur son lit d’hôpital – avant de connaître un long passage à vide. […] Récit en 10 chapitres, et un épilogue.

Chapitre 1 : appel à tous les policiers opérationnels

Soudain, un appel a résonné dans le couloir, depuis les hauts parleurs. On demandait à tous les policiers opérationnels de se rendre séance tenante sur la place de la mairie [le lieu a été changé]. Le pourquoi de cette mobilisation générale, je n’en avais pas la moindre idée. […]

Chapitre 2 : des forains armés de barres à mine

En débouchant place de la mairie, je découvre un théâtre de guerre civile. Des dizaines de forains, armés de barres à mine, tiennent le parvis. On saura, plus tard, qu’un conflit les oppose à la municipalité au sujet de la fête foraine. Sous mes yeux, un semi-remorque démarre en marche arrière et arrache le portail en fer forgé du bâtiment. Une grille scellée dans des piliers en pierre, avec des barreaux de 5 cm d’épaisseur… […]. J’avise plusieurs camions garés en travers dans les rues adjacentes, bloquant les accès. Les collègues ne sont qu’une poignée. Un contre dix, à vue de nez. […]

Les forains qui ont attrapé des flics les ont jetés dans le fleuve. Si je subis le même sort avec une plaie à la tête, je coulerai à pic.

un mouvement de foule me sépare de mon collègue. Je le cherche des yeux et soudain je le vois, effondré, contre l’essieu d’un poids-lourd stationné sur le pont. Je cours vers lui, il est conscient mais incapable de se relever. Je m’accroupis pour le prendre sous les bras et le porter en lieu sûr. A cet instant, je tourne le dos aux émeutiers. C’est alors que je ressens un choc violent sur le crâne. […]

Le médecin vient de me prévenir que je ne m’en sortirai pas, je lui annonce. Puis je lui demande de rassembler mon arme avec son étui, mon gilet pare-balles et mes vêtements. L’ensemble est copieusement imbibé de sang. Je le prie de glisser le tout dans un sac et de le sceller devant moi. Il s’exécute. Nous savons tous les deux que, dans ce métier, si vous décédez en service alors que vous ne portez pas votre équipement au complet, vos ayants droits ne touchent pas d’indemnité. Avec un scellé, il ne pourra pas y avoir de doute. Je tiens, même mort, à être reconnu dans mes droits. […]

. Dans l’enceinte même du palais de Justice, alors que le jugement n’est pas encore prononcé (il sera condamné à 3 ans de prison, ramenés à 2 ans en appel), je reçois, avec ma famille, des menaces de mort de la part de ses congénères. A la sortie de l’audience, certains prennent des photos sans que je puisse, sur le moment, deviner leurs intentions. Je ne vais pas tarder à les connaître. […]

L’Express

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