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Un documentaire sorti le 9 mai aux États-Unis met en garde contre les sucres ajoutés dans les produits industriels. Interrogés, des spécialistes vaudois nuancent le propos.

Aux États-Unis, 80% des produits alimentaires transformés contiennent du sucre ajouté.

C’est ce qu’indique la bande-annonce (voir en fin d’article) d’un documentaire choc sur l’obésité, Fed Up, projeté dans les cinémas américains depuis le 9 mai.

Le film suit un groupe d’enfants en surpoids pendant deux ans et interroge les experts: pourquoi ces enfants qui se nourrissent de produits 0% ne perdent pas de poids? Pourquoi les politiques de santé publique se sont-elles concentrées pendant des décennies sur les calories, alors que le sucre fait grossir ? Abordant son sujet à coups d’assertions-choc, la réalisatrice Stephanie Soechtig entend dénoncer un «dirty little secret», un «sale petit secret»: l’industrie alimentaire entretient notre addiction au sucre, et celle-ci est responsable du fléau de l’obésité.

L’habitude du sucré

Sur les étiquettes des produits, nous sommes habitués à observer le nombre de calories. Mais pas les sucres. Pourtant, lorsque nous en consommons plus que nécessaire, c’est sous forme de graisse que nous en stockons l’excédent. Pour Laurence Margot, diététicienne à Lausanne, les grosses quantités de saccharose (sucre blanc) que l’on trouve dans certaines boissons, dans des compotes de fruits industrielles, des yaourts ou certains biscuits sont particulièrement perverses. «On se soucie de leur apport calorique, mais on ne se rend pas compte qu’ils contiennent des quantités impressionnantes de sucre», dénonce la spécialiste.

On trouve ainsi l’équivalent de quatre morceaux de sucre dans un yoghourt aux fruits «classique» acheté en grande surface, ou trois dans 5dl d’eau aromatisée peu sucrée. «Cela nous habitue au goût du sucré, et c’est un apport énergétique qui n’est pas forcément conscient. Voilà comment, sur le long terme, par habitude du sucré, nous en consommons beaucoup plus que nécessaire», estime Laurence Margot.

Du sucre ajouté dans le salé

Stigmatiser le sucre, est-ce pour autant raisonnable ? «Ce serait simplifier le problème à outrance, répond le professeur lausannois Roger Darioli, spécialiste de la prévention des maladies cardio-vasculaires. Le sucre est nécessaire à la santé.

Mais il est vrai que, entre les fruits, les légumes, les céréales et les féculents, nous en consommons suffisamment.» Les sucres ajoutés par les producteurs dans les produits industriels viennent donc alourdir l’addition. D’autant que de nombreux produits salés, des cornichons à la charcuterie en passant par le ketchup, en contiennent également, au détriment de notre santé.

«Le problème avec ces sucres ajoutés, c’est qu’ils formatent le goût dès le stade du foetus!» fait remarquer Roger Darioli.

Sortir de la spirale

Ne pas manger n’importe quoi, c’est la guerre de tous les jours que Claude Berdoz, consultante en micro-nutrition à Renens et à Lutry, mène sans relâche dans sa cuisine. «Il y a l’agro-alimentaire qui peut altérer davantage une santé déjà fragile chez certains, et l’industrie pharmaceutique pour mettre un couvercle sur la casserole chez ces mêmes personnes!»

Le problème du sucre blanc, elle l’a réglé en bannissant de sa cuisine tout ce qui en contenait. «C’était un immense sac-poubelle.» Elle l’a fait pour soigner ses enfants, et pour prévenir les maladies chroniques dans sa famille.

«Le sucre peut, chez certains individus fragiles, être lié à l’obésité, mais aussi à l’hyperactivité, aux crises d’angoisse, à la dépression», estime-t-elle.

Comme alternative, elle essaie de varier les produits sucrants, de la stevia au yakon en passant par le xilitol. «C’est plus cher, ce qui nous fait en utiliser moins. Cela permet de sortir de la spirale de l’habitude du sucre.»

L’obésité, bien plus complexe

Peut-on pour autant, comme le déclare Fed Up, établir un lien de causalité entre addiction au sucre et surpoids ? «Ce film vise à susciter l’indignation et à désigner un coupable, ce qui permet au spectateur de se donner bonne conscience en rejetant la faute sur autrui», dénonce Roger Darioli.

Mais pour le médecin, tout ne se passe pas dans l’assiette: «Le problème de la surcharge pondérale est infiniment plus complexe. Il est lié au contexte familial, aux inégalités sociales, à la génétique et à d’autres facteurs que nous n’avons pas encore identifiés.»

Du côté du sucre, ce n’est donc pas le produit qui est mauvais, mais la dose. Selon une étude américaine, des enfants de 4 à 11 ans ayant bu des boissons sucrées lors des repas pendant 18 mois n’auront pris qu’un kilo de plus par rapport aux enfants ayant bu de l’eau. «Ce n’est pas énorme, fait remarquer Roger Darioli. Il faut donc prendre conscience de ce qu’on est en train de manger. Garder la notion de plaisir et penser à sa santé sur le long terme. Mais focaliser sur le sucre uniquement, sans considérer son comportement alimentaire ni ses habitudes de vie, c’est se donner bonne conscience à bon marché», conclut le professeur.

24heures.ch

(Merci à Martine)

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