Depuis quelques temps, il est de bon ton dans les médias de remettre en question l’agriculture biologique.
Par exemple, le 22 février 2013, le Figaro Magazine avait proposé un dossier peu convaincant intitulé « La vérité sur le bio » qui prétendait que le bio n’était pas meilleur pour la santé. Plus intéressante, la critique proposée par Arte sur le bio business montre que tout n’est pas merveilleux dans le monde de l’agriculture biologique et qu’il est temps que les pouvoirs publics se penchent sur la question.
Mais avant de vous en dire plus sur le sujet, j’aimerais rappeler l’essentiel : manger bio est bon pour la santé, notamment parce que cela réduit votre exposition aux pesticides.
Ce fait est connu depuis un moment : une étude de 2006 de l’Université de Washington (citée par David Servan-Schreiber dans son excellent livre Anticancer, p.155) a été menée auprès de 23 enfants à qui l’on a proposé d’adopter une alimentation biologique. Au bout de quelques jours, toute trace de pesticides avait disparu de leurs urines. Ces traces sont rapidement réapparues au niveau initial lorsqu’ils sont repassés à une alimentation classique.
Cette hypothèse est régulièrement confirmée par des études un peu partout dans le monde, la plus récente étant sur le point d’être publiée dans la revue Environmental Research :
des chercheurs australiens ont montré que le niveau de pesticides dans les urines d’une population d’enfants, très exposée, pouvait chuter en une semaine de près de 90 %. Face à ces études, la réaction a longtemps été la même : les pesticides n’étaient pas dangereux pour la santé.
Désormais, c’est officiel : on sait que cette affirmation est fausse. Chez les agriculteurs, qui sont en contact direct avec les pesticides chimiques épandus dans les champs, les dégâts sont évidents.
Le 13 juin dernier, l’INSERM a publié les résultats d’une expertise collective, menée par ses équipes, qui a passé en revue la littérature scientifique internationale de ces 30 dernières années sur les pesticides. Selon les chercheurs, le lien entre certaines maladies (différents cancers, maladie de Parkinson, problèmes hormonaux) et l’exposition aux pesticides est établi.
Sur le terrain, il y a longtemps que les agriculteurs en sont convaincus. Leur situation dramatique a été présentée dans un documentaire de France 2 au titre évocateur : « La mort est dans le pré ».
Pendant des années, de nombreux agriculteurs ont utilisé les substances chimiques sans se protéger. Yannick Chenet et Frédérick Ferrand, viticulteurs tous les deux, en sont morts. Leurs familles ont traduit en justice Monsanto, un des géants de l’agro-industrie qui fabrique notamment des herbicides, et ont gagné leur procès.
Cette décision historique est encourageante. Mais le monde agricole est-il prêt à changer de méthodes ? Les agriculteurs aujourd’hui parlent d’agriculture raisonnée et ont appris à se protéger lorsqu’ils déversent des produits toxiques dans leurs champs. Est-ce cela le changement ?
Lorsque ont lieu les épandages de pesticides, de grands nuages de fumée chimique se forment. Les habitants en zone rurale, notamment dans les pays de vignoble, y sont directement exposés. Qui s’en soucie ?
En Bourgogne, comme l’a rappelé Emmanuel Giboulot lors de son procès, les épandages ont lieu au mois de juillet, à une époque où les enfants qui sont en vacances aiment à jouer dans les champs et se promener dans la campagne. Est-ce éthique pour des viticulteurs de verser des produits chimiques qui ont, par ailleurs, tué ou rendu malades certains de leurs collègues ?
Côté consommateurs, on nous dit souvent qu’il suffit de laver les fruits et légumes pour faire disparaître les traces de pesticides. C’est mieux, c’est vrai. Mais lorsqu’un produit chimique est déversé, il tombe dans la terre dont la plante se nourrit. En toute logique, on le retrouve dans la plante, sa fleur et le fruit qu’elle porte. On pourra laver le fruit corrompu vingt fois, cela n’enlèvera pas les pesticides qu’il contient, surtout lorsque cela fait 40 ou 50 ans que la terre en question reçoit des pesticides !
On vous dira que même si l’on retrouve des pesticides dans nos produits frais, ce n’est pas grave parce que « notre seuil de tolérance n’est pas atteint ». D’abord, cette affirmation n’est pas justifiée. Par exemple, une enquête menée par la revue de l’UFC Que choisir à partir des analyses d’échantillons de 92 bouteilles de vin français, montre des taux de pesticides jusqu’à 3 500 fois supérieurs à la potabilité de l’eau et la présence de produits interdits dans 20 % des vins.
Ensuite, on ne sait pas mesurer aujourd’hui l’effet cumulé des pesticides. On préfère regarder les taux, produit par produit. Mais c’est se voiler la face. Même s’il est plus difficile à évaluer, il faudra bien, à un moment donné, prendre en compte l’effet global des pesticides dans les produits alimentaires que nous mangeons tous les jours, trois fois par jour.
L’enquête menée par la revue de l’UFC Que choisir n’épargne pas les vins bios qui contiennent eux aussi des traces de résidus de pesticides bien qu’en quantité plus faible que les autres vins. Et cela ne peut pas être une surprise. En France, l’agriculture biologique représente 5 % de l’agriculture totale (en nombre d’exploitation) [11]. Les terrains bios sont donc largement minoritaires et entourés de terrains non bios. Et le vent qui porte les pesticides ne s’arrête pas aux clôtures.
Par ailleurs, il existe aussi des fraudes au label bio. En Chine, il est possible d’acheter le label. En Europe, la traçabilité des produits n’est pas toujours assurée, y compris dans le domaine des plantes médicinales où les méthodes d’agriculture biologiques devraient être obligatoires.
Enfin, le label lui-même pose problème : il impose une méthode mais pas une qualité de produit. En achetant des produits labellisés AB, on sait qu’ils ont été produits selon des règles spécifiques mais il ne s’agit pas d’une garantie anti-pesticide absolue que les consommateurs, vu le prix qu’ils payent, devraient pouvoir exiger. Il n’y a pas mille remèdes à cette situation, nous devrions :
Et vous, quelles sont vos idées pour améliorer l’agriculture biologique ?