Présentation de l’éditeur :
Cette histoire de la Révolution française n’a pas pour but de narrer à nouveau des événements ou des anecdotes mille fois ressassées.
Son ambition ? Susciter une relecture complète de la Révolution nourrie par les recherches récentes publiées au cours de ces dernières décennies. Ces découvertes permettent d’affirmer que la Révolution a eu pour dessein essentiel la régénération de la société et de l’homme, la création d’un monde nouveau et d’un homme nouveau adapté à ce monde bâti par la mise en œuvre des idées rationalistes, individualistes, contractualistes, matérialistes et laïcistes des Lumières. Comprendre ce qu’a été réellement la Révolution française semble dès lors indispensable pour saisir les enjeux de la politique contemporaine.
Rédigé dans une langue claire, l’ouvrage est destiné au grand public.
Philippe Pichot-Bravard est docteur en droit et maître de conférences en histoire du droit public. Il a publié notamment Le pape ou l’empereur : les catholiques et Napoléon III (Tempora, 2008) ; Conserver l’ordre constitutionnel (XVIe-XIXe siècle) (LGDJ, 2011) ; Histoire constitutionnelle des Parlements de l’Ancienne France (Ellipses, 2012).
Note critique par Fdesouche :
Ceux qui connaissent déjà très bien le déroulement de la Révolution et ses enjeux n’apprendront rien de fondamentalement nouveau. Si effectivement, comme l’indique la quatrième de couverture, l’auteur ne se contente pas de narrer les événements de la période, lesdits événements occupent une large place dans le livre qui adopte d’ailleurs un plan chronologique. Le livre, très bien écrit et très documenté, à cheval entre le manuel et l’essai, convient en revanche parfaitement à ceux qui n’auraient pas saisi la dimension profondément idéologique d’une Révolution française portant en elle les germes des totalitarismes modernes.
L’idée centrale de l’ouvrage est que la Révolution française n’est pas animée par un esprit de réforme mais par une volonté de régénération complète de la société nourrie par les idées des Lumières. C’est la philosophie de la table rase qui est à l’œuvre au sein des assemblées révolutionnaires. Philosophie qui conduisit par exemple à substituer à l’espace-temps de la monarchie traditionnelle un nouvel espace-temps républicain construit sur une nouvelle toponymie (noms de villes, localités, places, rues, …) et un nouveau calendrier.
La sémantique aussi se trouve changée. Ainsi le Peuple, dans la bouche des révolutionnaires, ne désigne plus la population française mais les partisans de la Révolution. L’opposition entre le peuple réel et le peuple abstrait ne fut jamais aussi forte que lors de la Terreur dont la majorité des victimes furent des petites gens. De même, la Patrie ne renvoie plus à la terre des pères, ou à une dimension historique et charnelle, mais se confond avec la République à vocation universelle : un patriote est un républicain, et inversement. Il est à noter que l’ambiguïté du terme de Patrie a perduré jusqu’à nos jours : quel sens a ainsi ce mot quand il est utilisé par un élu PS, UMP voire DLR ou FN ?
L’élimination des opposants apparaît comme indispensable au processus régénérateur. Pichot-Bravard met en évidence l’engrenage de la radicalisation qui conduisit d’abord à éliminer les opposants déclarés de la Révolution (royalistes) et qui, à terme, finit par toucher les révolutionnaires eux-mêmes (les modérés ou les moins enthousiastes : on trouve toujours plus “pur” que soi). L’auteur souligne le fait que le climat de terreur apparaît dès le 14 juillet 1789, bien avant la chute de la monarchie. Les massacres de masse en Vendée font l’objet de sept pages, il est dommage que l’auteur ne se soit pas davantage appesanti sur le sujet.
Le livre a aussi le mérite de mettre à bas une série de mythes à la peau dure. Ainsi en est-il du mythe de la prétendue opposition idéologique entre les Girondins et les Montagnards : cette opposition est d’abord une opposition de personnes. Ces deux groupes sont issus du Club des Jacobins, et les Girondins ne sont pas davantage favorables au Roi que les Montagnards. Même s’il est dommage qu’il ne développe pas ce point, l’idée de Girondins “fédéralistes” (partisans d’une décentralisation administrative) s’opposant à des Montagnards centralistes est aussi une légende.
Il est rappelé aussi l’important discours du 7 septembre 1789, prononcé par Sieyès, distinguant la démocratie du système représentatif, le second n’imposant pas de mandat impératif aux députés (qui pouvaient ainsi se dispenser de respecter les cahiers de doléances).
En conclusion, il est souligné que la Révolution française et l’utopie de l’homme nouveau ont profondément marqué les deux siècles nous séparant de la chute de la monarchie et qu’elles sont toujours d’une brûlante actualité. Le livre se termine sur une citation bien choisie de Vincent Peillon : « La Révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu […] 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau […]. La Révolution implique l’oubli total de ce qui précède la Révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines. » Citation tirée d’un livre au titre significatif : La Révolution française n’est pas terminée (2008).
Aetius.
Philippe Pichot-Bravard, La Révolution française, préface de Philippe de Villiers, éd. Via Romana, février 2014, 294 pages.