Le sociologue Michel Wieviorka fait un bilan de la situation de la France et propose quatre conditions pour arrêter la «descente aux enfers» qu’elle subit. Aucune allusion à l’immigration, la délinquance, la montée du communautarisme…
Sommes-nous condamnés à l’impuissance intellectuelle, à la paralysie, menacés d’être livrés aux seules forces du nationalisme, du populisme, ou du cynisme ?
Jusque-là, notre pays semblait capable de résister au pire grâce à certaines de ses institutions. La justice par exemple, malgré les critiques, n’était pas défaillante. Et surtout l’institution présidentielle, clé de voute de la Cinquième République, tenait bon.
Du coup, les dimensions morales de la crise menaçaient, certes, mais le pays était capable d’affronter la mise en cause des valeurs les plus fondamentales du vivre-ensemble par la méfiance, le racisme, la xénophobie, les pulsions de haine et de violence, l’individualisme forcené tournant au cynisme et à l’égoïsme, le triomphe de l’argent-roi. […]
1. Cesser de jouir de la déréliction
Il faudrait d’abord, première condition, une prise de conscience du caractère dramatique de la situation. Or une fâcheuse impression s’impose : dans la situation présente, il existe, largement présente au sein de toute la population, une part non négligeable de jouissance à annoncer et contempler les logiques de la destruction et de l’autodestruction, voire à s’y adonner soi-même ; […]
2. En finir avec la Ve République
Deuxième condition : sortir d’une conception du temps politique qui, finalement, s’organise autour d’une seule date, celle de la prochaine élection présidentielle. […] Avant, rien apparemment ne fait sens, sauf à s’y référer ; et ensuite, une nouvelle ère devrait s’ouvrir, comme par enchantement, nous en aurons fini avec nos difficultés et notre malheur…sauf au contraire à entrer dans une phase convulsive, ou à nous abandonner entièrement au nationalisme et à l’extrémisme. […]
3. Débattre, vraiment
[…] Cela passe aussi par la capacité d’admettre que des questions importantes peuvent jaillir de façon conflictuelle, et être portées par des acteurs aux orientations par ailleurs peu ragoûtantes. Les mobilisations contre le mariage pour tous, par exemple, étaient à bien des égards réactionnaires ou très conservatrices. Mais elles comportaient aussi des aspects qui auraient mérité des échanges approfondis, à propos de la procréation médicalement assistée ou de l’adoption notamment.4. Penser la politique autrement…
