Le ministère des finances russe “prédit” un “déclin” du revenu des exportations pétrolières, “dû à une chute attendue de la production de pétrole”, selon une dépêche laconique de l’agence Itar-Tass publiée le 7 juillet.
Les extractions annoncées pour 2015 seront de 195,4 millions de tonnes, au lieu des 202,6 millions de tonnes prévues initialement dans le cadre de loi de finance pour 2014 de la Fédération de Russie. Le chiffre devrait être à nouveau en baisse en 2016, avec 193,4 millions de tonnes, au lieu des 206,4 attendus.
Le manque à gagner sur les recettes d’exportation du brut sera de l’ordre de 4,5 milliards de dollars en 2016 par rapport au montant initialement espéré, précise le ministère des finances. La Russie est le deuxième producteur mondial d’or noir aujourd’hui, juste derrière l’Arabie Saoudite.
Ce repli ne semble pas devoir être interprété comme étant le fruit d’une politique délibérée, puisque (au moins dans sa version en anglais), la dépêche d’Itar-Tass évoque bien une “chute attendue de la production”.
Là où ça se complique un peu, c’est que l’information publiée par Itar-Tass est manifestement… inexacte. La production russe de pétrole est de l’ordre de 500 millions de tonnes par an : 531,4 en 2013, selon BP. Il semble que les chiffres cités par Itar-Tass correspondent non pas à la production, mais bien aux exportations russes (ils sont en tout cas compatibles avec les ordres de grandeur connus).
La consommation domestique russe a progressé plus vite que la production au cours des dernières années. Une production qui demeure en croissance jusqu’à aujourd’hui, selon les différentes sources disponibles. Les exportations russes ont par conséquent eu tendance à diminuer jusqu’ici.
Cette chute de la production russe “attendue” par le Kremlin dès l’année prochaine constitue, quoi qu’il en soit, une très mauvaise nouvelle pour ce qui concerne le marché international de l’or noir, déjà passablement sous tension, et sur lequel la production de brut conventionnelle a déjà enregistré une baisse en 2013.
La Russie, l’un des plus anciens pays pétroliers de la planète, est confrontée à un déclin très marqué de certains de ses grands champs de pétrole conventionnel, souvent exploités depuis un demi siècle au moins. Le directeur scientifique du groupe français Total, Jean-François Minster, a fait état sur ce blog de taux de déclin atteignant 6 à 9 % par an !
Le même Jean-François Minster fait partie des nombreux responsables industriels qui voient dans le développement des pétroles dits “de schiste” la planche de salut face au déclin du pétrole conventionnel, en Russie et ailleurs. Une planche qui permettrait de repousser le pic pétrolier sine die.
La Russie de Vladimir Poutine s’est montrée très sévère à l’égard des pétroliers étrangers durant les années 2000 (avec BP notamment).
Mais aujourd’hui, que ce soit en Arctique avec l’Américain Exxon ou, justement, dans les pétroles “de schiste” de Sibérie occidentale avec Total et d’autres, Moscou ne demande qu’à s’ouvrir aux investissements ou, à tout le moins, à l’expertise des majors occidentales.
L’annonce faite par le ministère des finances viendrait confirmer la raison d’être du nouveau quadrille que Moscou danse désormais gentiment avec les compagnies occidentales.
Les craintes concernant l’avenir de la production pétrolière russe ne sont pas tout à fait nouvelles. L’Agence internationale de l’énergie, dans son dernier rapport annuel exhaustif, publié en novembre 2012, promet la Russie à un ralentissement lent mais continu de ses extractions, d’environ 10,7 millions de barils par jour (Mb/j) à l’heure actuelle à 9,2 Mb/j en 2035, faute de ressources aisément exploitables suffisantes.
Pas sûr que le contexte actuel à la frontière ukrainienne soit très propice aux investissements massifs nécessaires à une relance (par du pétrole de schiste ou du pétrole arctique pour l’heure encore largement hypothétiques) d’une industrie russe des hydrocarbures confrontée à la sénescence de sa production conventionnelle.
Encore que : les majors semblent prêtes pour l’heure à s’accommoder d’un tel contexte. Il faut dire qu’elles n’ont pas d’autre choix. A suivre…