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Emmanuel Debono est historien (ENS, Lyon). Ses recherches portent sur les racismes et les antiracismes dans la France contemporaine. Il rappelle que les «groupes d’autodéfense» juifs sont une «tradition» en France.

L’autodéfense juive a une histoire en France. Plus généralement, la question de l’autodéfense se pose dans une société quand l’Etat fait montre, ponctuellement ou plus durablement, d’impuissance ou d’hésitation à assurer la sécurité des citoyens, les principes démocratiques et les valeurs républicaines.

Alors que des voix s’élèvent pour réclamer l’interdiction d’une organisation, la Ligue de défense juive, qui entend occuper le terrain et qui ne ménage pas son soutien à Israël, elle voit à l’inverse son blason redoré auprès de ceux qui se montrent inquiets de la poussée antijuive actuelle. Sammy Ghozlan, président du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), a pu noter qu’elle avait «acquis ces jours-ci la sympathie de la base communautaire». […]

Au tout début des années 1930, en France, la jeune Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA) se dote de groupes de jeunes militants qui vont jouer un rôle-clé durant la décennie. […]

Leurs ennemis les qualifient de «troupes d’assaut», d’«aspirants terroristes juifs», de «nervis» ou encore de «terroristes». Mais ils sont la fierté de la LICA, un véritable élément identitaire, même s’ils ne font pas l’unanimité, notamment parmi les juifs, en raison de la violence de leurs interventions. Jamais, toutefois, le gouvernement ne procédera à la dissolution de ces groupes, pas même en vertu de la loi de janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées : les hommes de la self-defence sont reconnus comme un service d’ordre nécessaire, placé sous les ordres d’une organisation qui revendique par ailleurs – avec vigueur – le respect des valeurs républicaines. De manière significative, la présence de membres du gouvernement dans le comité d’honneur de la LICA s’avère compatible avec cette action musclée officielle. […]

Le contexte de belligérance actuel rend la situation particulièrement délicate quand un groupe d’action comme la LDJ entend à la fois protéger une catégorie de la population et prendre vigoureusement parti dans un conflit dont l’importation sur le sol français a les effets lamentables que l’on sait. […]

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