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Ce n’est plus seulement une mode, ni même une tendance : aujourd’hui, le “circuit court” a trouvé sa place dans le monde du commerce alimentaire, au plus grand bénéfice des petits producteurs mais aussi des clients.
Fruits et légumes variés, bières artisanales, charcuterie ou encore une multitude de fromages, de biscuits, de douceurs, etc : les productions foisonnent, portées par une vague de retour à “l’authentique”. Et voici que des concepts apparaissent, comme ce magasin d’un nouveau genre dans la banlieue de Namur…
“D’Ici” a un peu plus d’un an.
D’apparence, c’est un magasin comme les autres sauf que presque tous les produits que l’on peut y trouver proviennent d’un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de son lieu d’implantation, à Naninne, sur les hauteurs de Namur.

A la tête de ce magasin-concept, un homme qui connait bien le monde de la distribution et de l’alimentation, Frank Mestdagh. Il a créé “D’Ici” en 2013, de concert avec Florence Trokay.
Mais “D’ici” n’est pas le petit avatar d’un grand groupe de distribution : c’est avant tout le projet de deux personnes qui ont voulu concevoir un espace au service des clients comme des producteurs, un projet durable qui s’inscrit dans une logique de relocalisation des activités. Bref, “D’ici”, c’est un peu le temple du circuit court…


Circuit court ! Le nouveau Graal de la consommation durable… Typiquement, on parle de circuit court lorsqu’un produit parvient dans les mains du consommateur soit directement chez le producteur, soit par le truchement d’un seul intermédiaire au maximum. Lorsqu’un produit arrive chez “D’Ici”, il n’est pas passé dans les mains d’un grossiste, d’un distributeur exclusif, d’une centrale, d’un transporteur… Ce sont les producteurs eux-mêmes, sélectionnés par Frank Mestdagh et son équipe, qui viennent approvisionner le magasin. Le maître-mot, c’est la confiance.

Fromages, salaisons, légumes, bières ou vin, miel, sauces, céréales… Chaque produit est par ailleurs issu de petites exploitations locales, qui trouvent là un débouché, une vitrine, parfois même une occasion de développer de nouveaux produits.

Céline Bouzegza était institutrice. Elle a trouvé chez “D’Ici” un partenaire pour développer son activité de “chocolatière ambulante”.

Un secteur devenu indispensable
Aux yeux de certains, on semble parfois réinventer le fil à couper le beurre… Car le circuit court a toujours été le mode privilégié pour écouler les productions des agriculteurs, du moins lorsque les exploitations étaient à taille humaine. Mais l’industrialisation, la mécanisation et la spécialisation ont peu à peu fait disparaître le contact direct entre le producteur et le client. Il subsistait, dans les campagnes surtout, mais davantage comme complément à une activité principale.
Depuis quelques années toutefois, les dérives de l’industrie agro-alimentaires couplées à la difficulté pour nombre de PME de faire leur trou dans des secteurs où la pression sur les prix est très forte, ont conduit à réinventer une autre manière de produire et de consommer.
Pierre Courtois, ingénieur agronome à l’Office provincial agricole de la province de Namur, suit avec intérêt le développement de ces filières. Il se réjouit de les voir émerger. Reste qu’il faut aussi un investissement politique pour assurer davantage encore de fluidité dans la mise en relation des producteurs en circuit court avec de nouvelles clientèles, comme par exemple les collectivités.

Pour lui, c’est d’ailleurs tout à fait évident : les circuits courts sont aujourd’hui indispensables.

Un constat que ne dément pas Céline Bouzegza. Et dans son activité, il faut pouvoir aller vers les clients par tous les moyens. La présence de ses produits au sein du magasin constitue dès lors une occasion de plus de toucher un public qui ne se déplacerait pas naturellement jusque chez elle. Ce nouveau genre de surface commerciale, c’est donc aussi une réelle publicité pour les producteurs présents dans l’espace de vente.

Un potager didactique et savoureux
Au delà de cette relation toute particulière avec les producteurs, Frank Mestdagh a aussi voulu développer des partenariats pour conférer à son projet une dimension qui ne soit pas exclusivement centrée sur la vente au détail. Dans l’espace de 3500 m², il y a donc aussi une boulangerie artisanale, un restaurant, une petite librairie…
Mais le dernier en date de ces partenariats est un vaste potager, confié à un maraîcher de la région; qui, outre qu’il alimentera directement le magasin, servira aussi de lieu d’éducation permanente. Franck Mestdagh n’en est pas peu fier.

Pour trouver les producteurs locaux avec lesquels “D’Ici” travaille, il ne faut donc pas parcourir de longues distances. A quelques encablures de Naninne, il y a par exemple la ferme de la famille Vrancken. Déjà une institution. Les fraises d’Ossogne sont vendues dans différents points de vente de la région, mais “D’Ici” a constitué pour ces fermiers passionnés une opportunité supplémentaire.
Henri Vrancken s’est lancé il près de 25 ans. Désormais, sa fille Carine, elle-même ingénieure agronome, a pris le relais. Ici, pas de demi-mesure : c’est la qualité qui prime sur les quantités récoltées. On ne cultive jamais les mêmes espèces sur les mêmes parcelles avant plusieurs années, histoire que la terre se régénère naturellement. Des haies ont été replantées, et les fruits et légumes sont cultivés selon leur rythme naturel de manière à ne pas être forcés.
Découvrez comment cette famille vit au quotidien la vente directe dans ce court reportage.

Pour Henri Vrancken, tout est parti d’un constat, et d’une frustration : lorsqu’il apportait ses fraises à la criée, en tant que coopérateur, il revenait parfois avec une partie de sa production invendue. Perte sèche et temps perdu. Un crève-cœur pour cet homme entier, qui a décidé de prendre en main lui-même l’écoulement de sa production.

Ce ne fut certes pas simple, mais le succès a été au rendez-vous : les fraises d’Ossogne bénéficient d’une belle réputation.
Mais la qualité a un coût. C’est parfois le revers de la médaille des productions en circuit court. Issues de petites exploitations qui privilégient souvent le respect des traditions, de l’environnement ou l’utilisation de matières premières nobles, les productions qui empruntent les filières en circuit court peuvent néanmoins réduire le coût final justement par la suppression d’une série d’intermédiaires. Reste au consommateur à se positionner. Henri Vrancken estime pour sa part qu’il en faut pour tout le monde…

Consommer autrement, produire autrement
Bien sûr, il y a de multiples formes de production en circuit court. Certaines exploitations ont une dimension sociale marquée. D’autres se considèrent avant tout comme une forme d’artisanat. Mais les circuits courts ont néanmoins permis l’émergence de nouvelles activités et de nouvelles formes de commerce. L’entrepreneuriat féminin, par exemple, y puise une part de son développement. Des coopératives se créent pour mettre en commun des compétences, des ressources, des filières d’écoulement, à l’instar d’Agribio, dont la vocation est “suivre les graines de céréales belges bio, du champ jusqu’à l’assiette”.
Ainsi parvient-on à “fixer” des productions dans les campagnes et à éviter que la pression des grands groupes les forcent à s’adapter ou à disparaître. En permettant aux consommateurs de garder le choix, fut-ce à un prix parfois plus élevé, ce sont aussi des emplois locaux qui sont préservés.
RTBF.be

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