« Le Grand Remplacement est le choc le plus grave qu’ait connu notre patrie depuis le début de son histoire puisque, si le changement de peuple et de civilisation, déjà tellement avancé, est mené jusqu’à son terme, l’histoire qui continuera ne sera plus la sienne, ni la nôtre. » C’est en ces termes alarmistes que l’écrivain Renaud Camus, proche du Front national, a lancé en septembre 2013 un manifeste intitulé : « Non au changement de peuple et de civilisation ».
Depuis deux ans, cette « théorie du remplacement » du peuple français « de souche » par d’autres peuples, principalement venus du Maghreb et d’Afrique, connaît une popularité grandissante dans les milieux d’extrême droite, voire de droite. Cet écho mérite qu’on s’y arrête car cette théorie cristallise des peurs profondes et des discours de plus en plus radicaux. […]
Les études de l’Insee disent pourtant tout autre chose que les livres de Renaud Camus. Publiée en octobre 2012, « Insee Référence – Immigrés et descendants d’immigrés en France » décompte ainsi 5,3 millions de personnes « nées étrangères dans un pays étranger », soit 8 % de la population. Parmi ces immigrés qui ont contribué à reconstruire la France d’après-guerre, 1,8 million viennent de l’Union européenne. Restent donc 3,5 millions de personnes, dont 3,3 millions sont originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et d’Asie. Ces immigrés venus du Sud qui font si peur aux théoriciens du « grand remplacement » représentent donc 5 % de la population française. Difficile de parler, comme le fait Renaud Camus, d’une « contre-colonisation » par les étrangers non européens…
Si on élargit la notion d’immigré et que l’on prend en compte l’ensemble des descendants de ces migrants – bien qu’ils soient tous nés en France –, on trouve le chiffre de 6,7 millions. Parmi eux, 3,1 millions descendent de migrants venus du Maghreb francophone, d’Afrique et d’Asie – soit moins de 5 % de la population française. Comment pourraient-ils la remplacer tout entière ?
Le Monde