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Toutes les blessures de guerre n’étaient pas forcément visibles. Détruits mentalement des centaines d’hommes ne sont plus jamais ressortis des asiles d’aliénés où ils sont morts oubliés. En Gironde, le cimetière de Cadillac est l’un des très rares à en témoigner….
Et puis il y a ces dix rangs qui comptent 98 sépultures pour 99 corps inhumés en pleine terre. Encore plus nues et désolées que les autres. Aucune pierre tombale… mais quelques Christ en zinc dégringolés sur un aride gravier ponctué d’herbes folles et seulement 29 noms au milieu de 70 anonymes… Au mur de l’ancien asile d’aliénés, une grande plaque de marbre défraîchi résume : «Les anciens combattants de Gironde à la mémoire de leurs camarades mutilés du cerveau victimes de la guerre 1914-1918»
Cet émouvant carré de poilus qu’un projet de parking menaçait, l’ancien praticien de l’établissement hospitalier, le professeur Michel Bénézech, a réussi à le faire inscrire aux Monuments historiques en 2010, sauvant du même coup avec l’Association des Amis du cimetière des oubliés, ce lopin des «fous» de Cadillac.

«Car bien qu’il soit d’une extrême pauvreté, il est aussi un témoignage rarissime d’un aspect occulté de la Grande Guerre, ce qu’on appelait les blessures invisibles, bref, les pathologies mentales liées à la guerre», explique ce psychiatre, qui fut également professeur de médecine légale à Bordeaux.

De fait, dès août 1914, la guerre ne se contente pas de lacérer les corps : elle dévaste les têtes aussi. «Oui, les hommes ont peur et surtout ceux susceptibles d’être appelés. Immédiatement, on note une hausse sensible des admissions dans les asiles d’aliénés», souligne-t-il. Ce sont d’abord des malades qui rechutent du fait de l’angoisse, puis, très vite, des pathologies touchant les combattants. «La guerre, c’est l’arrachement aux siens, la peur de la mort, les bombardements qui rendent fou. Des centaines de milliers d’hommes sont touchés, mais seuls les cas les plus graves sont internés», poursuit Michel Bénézech….
Suite d’un long article sur la Dépêche, merci à Julia

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