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Chronique sociale, histoire d’amour, film apocalyptique… “Les Combattants” réussit le tour de force d’embrasser successivement tous les genres. Sans jamais perdre le rythme. Et tout en étant aussi drôle que touchant. Pour “Marianne”, son réalisateur, Thomas Cailley, revient sur la genèse de son premier long métrage.

« Les Combattants » commence comme une chronique sociale ordinaire, devient une histoire d’amour, une fable panthéiste dans un Eden cachés parmi les pins et les cours d’eau, puis progresse jusqu’à devenir un film apocalyptique.

Tour de force, le film est toujours drôle, porté par des acteurs parfaits : Adèle Haenel époustouflante en apprentie guerrière égoïste, énervée de tomber amoureuse ; Kevin Azaïs touchant en prétendant pas si transi que ça, dissimulant des réserves de force insoupçonnées derrière une nature douce et paisible. Un premier film survitaminé, aussi tonique que poétique.

« Pour notre génération la révolte est intérieure »

Marianne : Madeleine est obsédée par l’idée de la survie. Dans une des scènes des « Combattants », on voit Bear Grill, l’animateur vedette de l’émission « Man VS Wild », montrer comment se protéger d’une tempête de sable en se glissant dans la carcasse d’un dromadaire. Ce programme a joué un rôle dans l’idée de votre scénario ?
Thomas Cailley : Oui, c’est venu de là. J’étais en train de terminer la postproduction d’un film et le soir, en rentrant tard, je regardais Bear Grill, je le voyais se faire parachuter dans des endroits impossibles et montrer comment s’en sortir. Je trouvais ça fascinant au premier abord, dérisoire. Il y avait une démarche hyper suicidaire, comme si le suicide avait été intégré comme mode de vie.
Ce type a une famille et passe son temps à frôler la mort volontaire, je me disais qu’il y avait un manque dans sa vie, et en même temps je trouvais que cela illustrait quelque chose sur notre époque, cette idée qu’il faut toujours être prêt à quelque chose. Il faut compter sur soi, on nous parle de crise, mais tout renvoie à soi, il n’y a pas grand-chose à attendre des autres. L’histoire d’amour et l’histoire de la survie se sont tout de suite imbriquées logiquement.
Vos personnages parlent de cette crise, d’une fin possible, mais ils ne se révoltent jamais contre l’ordre établi…
Ça aurait été le cas si mon film s’était passé dans les années 1950 ou 1960. Aujourd’hui, notre génération ne s’exprime pas par le « non » et la transgression, la révolte est intérieure. Il n’y a plus obligation d’envoyer tout péter. Nous vivons dans une société dérégulée et chacun se compose un monde.

Il n’y a plus d’idéal collectif, et les slogans publicitaire de l’armée en sont l’illustration : « Devenez-vous même. »

Depuis qu’elle est devenue une entreprise qui recrute, il n’est pas question de la France, du service, mais d’épanouissement personnel. Pour les besoins du film, j’ai fait le stage que font Madeleine et Arnaud.

J’ai vu beaucoup de jeunes qui cherchaient des valeurs, l’aventure. Il y a un décalage complet entre ce qu’ils étaient venus chercher et ce qu’on leur apprend, un vrai anachronisme de l’institution.

Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Madeleine est un personnage qui est en force, elle devait avoir cette puissance, cette énergie. Elle est violente, triste, il fallait donc qu’elle soit drôle, il devait y avoir une clé d’accès au personnage. Adèle a une nature comique, elle parle vite, elle a un truc très burlesque, je lui ai donc rajouté du texte exprès.
Arnaud, quand il la regarde, il ne la juge pas, à la différence des autres. Lui, il est flottant, je le voyais comme un vase qui se remplit au fur et à mesure. On va voir que c’est lui qui sait survivre, lâcher prise, laisser glisser. Elle, elle a une angoisse existentielle, une inquiétude qui ne lui permet pas cela.
Arnaud a besoin d’un film pour rentrer dans l’histoire, pour conquérir Madeleine. Il doit aller de la chronique réaliste, en passant par la comédie existentielle, vers cet Eden au milieu de la forêt, porté par la croyance hallucinante de celle qu’il aime dans l’apocalypse, qu’il va jusqu’à lui offrir à la fin du film…
J’ai beaucoup composé les personnages en fonction des acteurs, de tout ce qu’ils avaient à offrir. Ils sont le cœur du récit. Il faut que l’on croie à tout dans le film, même aux choses plus folles, donc le jeu est très réaliste
Comment expliquez vous le succès des « Combattants » ?

Peut-être parce que c’est un film sincère. Quand c’est le cas, cela se voit. On peut s’y reconnaître, on y voit ses espoirs et ses peurs.

Il n’y a pas d’unité de genre, c’est un mélange entre le trivial et l’existentiel, mais il y a une unité de ton. Je n’ai eu à faire aucune concession. Pour tout le monde, c’était une première, un apprentissage. Pour mon producteur Pierre Guyard chez « Nord-Ouest Films » qui a été exceptionnel, tout comme mon distributeur « Haut et court », pour moi, pour mon frère, qui est directeur de la photo, pour toute l’équipe, il y avait un vrai alignement, une énergie et un vrai enthousiasme.
A la fin du film, Madeleine est guérie de ses angoisses ?
Non, pas du tout, mais ils se sont contaminés l’un l’autre. Maintenant, il la comprend, il s’est endurci, et ils regardent ensemble dans la même direction. Le frère aîné d’Arnaud, se réconcilie avec lui et l’accepte, même s’il ne le comprend toujours pas. La question n’est pas de trouver une réponse, mais :

est-ce qu’on accepte de ne pas être fini ? Et quand on l’accepte, c’est passionnant, justement parce que les possibilités sont infinies.
 

Marianne
 

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