Forte de sondages et d’une conjoncture favorables, l’extrême droite se dit prête à prendre le pouvoir en France en cas de dissolution de l’Assemblée, mais en privé, plusieurs cadres doutent.
«On a des résultats miraculeux avec une quincaillerie des années soixante», estime un membre du bureau politique du parti dirigé par Marine Le Pen.(…)
Et autour d’elle, Marine Le Pen, qui a succédé à son père en 2011, certifie qu’«il y a énormément de gens prêts à prendre leurs responsabilités, qui ont des compétences reconnues dans leur milieu», citant le nom de certains de ses conseillers inconnus du grand public.(…)
Pourtant, lorsque les micros sont éteints, plusieurs cadres émettent des doutes, voire des inquiétudes à l’idée de voir le parti gouverner demain. «En terme d’élus, de réseaux, de tissus dans le réseau social et citoyen, c’est extrêmement pauvre. De nombreux cadres me disent: “On n’est pas encore prêts et si on gagnait 2017, ça serait dramatique. On n’a pas la culture de gouvernement et la capacité humaine pour exercer le pouvoir”», juge Sylvain Crépon, sociologue spécialiste du FN.
Premier problème: la structure. «Le FN connaît un développement extrêmement rapide, nous travaillons à ce que son organisation humaine soit en adéquation avec son poids électoral», euphémise un député européen. «On a des résultats miraculeux avec une quincaillerie des années soixante», s’étonne un membre du bureau politique.
Pour le pouvoir, le parti manque de personnalités prêtes pour le pouvoir. «Marine est prête, les autres non», ajoute-t-il. «Vous imaginez demain “Marine” à l’Élysée? Il n’y a pas assez de ministres ! Qui est son directeur de cabinet? Qui est ambassadeur à Washington? S’il n’y a qu’une dissolution, et qu’on peut avoir 150 députés, on met qui?» s’étrangle un frontiste qui connaît bien l’appareil. Quelques voix s’interrogent déjà sur le choix des eurodéputés FN, estimant que certains ne se distinguent pas par leur travail. Dans un documentaire diffusé en avril sur la chaîne parlementaire LCP, Jean-Marie Le Pen, qui avait accédé au second tour de la présidentielle en 2002, était interrogé sur la capacité à gouverner du FN à l’époque: «Non, non, nous n’étions pas prêts à prendre le pouvoir», répondait-il. Et de nuancer aussitôt: «On peut être président sans (y) être prêt.»
L’Essentiel