Pour fuir la guerre civile, de nombreux chrétiens syriaques se sont réfugiés dans le sud-est de la Turquie, leur berceau historique, où vivaient leurs ancêtres du temps de l’Empire ottoman mais sont impatients de retourner en Syrie.
Quand elles étaient en Syrie, elles éprouvaient moins de difficultés à vivre leur foi. C’est ce que confirment les femmes assises autour de la fontaine vide des Quarante Martyrs. «Chez nous, on pouvait enseigner ou travailler dans la fonction publique, se souvient Rowida Kawriah. Alors qu’ici, en Turquie, un chrétien n’en a pas le droit.»
Ces réfugiés viennent pour la plupart de la ville de Hassaké, à une petite centaine de kilomètres de là. Mardin, splendide cité mésopotamienne bâtie à flanc de colline et qui devrait bientôt entrer au patrimoine mondial de l’Unesco, n’est pas une destination d’exil parmi d’autres. «Mon père venait d’ici, explique simplement Marcelle Azar, 46 ans, un peu à l’étroit dans son tee-shirt rose. Mes grands-parents avaient survécu aux massacres, mais ils ont quand même décidé de fuir la région en 1932, direction la Syrie. Mon père avait 6 ans.»
Ces « massacres » furent ceux commis par le régime turc, pendant la Première Guerre mondiale, contre toutes les minorités chrétiennes de l’Empire ottoman. C’est de Mardin qu’est originaire Mgr Ignace Maloyan, évêque arménien tué en 1915 et béatifié en 2001 par Jean-Paul II. Mais outre les Arméniens, de nombreux syriaques orthodoxes furent massacrés ou déportés entre 1914 et 1920. Aujourd’hui, les familles réunies autour de la fontaine sont leurs descendants. […]
«L’histoire se répète, affirme Rowida Kawriah qui appartient à l’élite culturelle en Syrie, comme la plupart des réfugiés qui l’accompagnent, aux traits tirés. Il y a cent ans, mes grands-parents étaient chassés d’ici par l’armée turque, qui ne voulait plus de chrétiens dans le pays. Les soldats entraient dans les maisons pour couper les têtes et enlever les plus jolies filles…» […]