Sophie Delcourt, professeur de collège, et Louise Cuneo, journaliste, publient “Jours de collège” risque d’en secouer plus d’un. C’est le journal de bord d’une normalienne qui prend ses quartiers de prof dans un collège de banlieue et découvre que la réalité de son métier est bien loin de ce qu’elle imaginait. Et au fil de ce récit, où se mêlent colère et incompréhension, une question vient frapper au cœur le lecteur : “Mais comment en est-on arrivé là ?”
Pourquoi le savoir a-t-il, dans l’école, été destitué au profit du vivre-ensemble, voire d’une autre mission, réguler les conséquences des flux démographiques ?
On ne sait pas ce qu’est un professeur de banlieue. Cet ouvrage, avec la violence d’une dissection, nous l’apprend. Au fil des pages, alors qu’il est glacé de terreur devant ce que décrivent Sophie Delcourt et Louise Cuneo, que la colère et la révolte le secouent, le lecteur ne peut éviter la question : comment et pourquoi l’école républicaine a-t-elle été détruite ? L’école des hussards noirs, l’école d’Alain, celle qui sacralisait le savoir !
Le résultat de ces abandons, ou mutations, perce à chaque paragraphe. L’administration, pour complaire aux parents, aux élèves et à l’air du temps, fait une guerre permanente aux professeurs, en usant de la méthode de l’humiliation. Il s’agit, à travers les personnels de direction, de formation et d’inspection, d’empêcher les profs de faire leur travail : transmettre le savoir.
Extrait du livre : l’épreuve du conseil de discipline.
La prof jouait sa crédibilité auprès de ses élèves et de leurs parents, de ses collègues, de sa direction, lorsque s’est ouvert à 18 heures le conseil de discipline de Souleiman et de Simina.
« Le délégué des parents chuchote avec les familles hors cadre officiel, l’assistante sociale tente de me donner tort, le principal ne me regarde jamais dans les yeux. J’ai eu l’impression d’être assaillie de toute part. »
Toute la journée, une étrange effervescence a régné en salle des profs. La solidarité sans faille s’est imperceptiblement fissurée pour laisser place à l’inquiétude. « On n’aurait jamais dû exiger ces conseils », regrette avec véhémence une prof. « Au mieux, les élèves s’en tireront avec une exclusion de huit jours. Autant dire rien, et ce sera un camouflet pour nous tous. Non, vraiment, il aurait mieux valu ne rien faire ». Sophie est atterrée et désolée. Elle pensait avoir gagné la bataille, en obtenant la tenue de ces conseils de discipline. […]
Durant toute l’heure, les deux adolescents ne prennent même pas la peine de faire profil bas, pour tenter d’adoucir les griefs à leur égard. Ils se comportent comme à leur habitude : indisciplinés, provocateurs. […]