Les villes chinoises ont beau être saturées par la pollution atmosphérique, les voitures électriques y sont rares. Mais le vent tourne selon les constructeurs, qui tablent sur un marché potentiellement gigantesque, stimulé par des coups de pouce des autorités.
En accueillant le week-end dernier à Pékin le premier “e-Prix” de Formule électrique, la deuxième économie mondiale a marqué un point dans la promotion sur son sol des véhicules verts.
Les habitants de la capitale ont découvert avec surprise des bijoux de technologie frôlant les 200 km/h. Avec le message sous-jacent: les performances sous vos yeux se retrouveront dans la voiture que vous pourrez bientôt acheter.
Actuellement seuls 70.000 véhicules électriques et hybrides roulent sur les routes chinoises, selon les médias d’Etat. Pékin s’est néanmoins fixé l’ambitieux objectif de 5 millions de véhicules de ce type en circulation d’ici à 2020.
Cela suppose de vaincre les réticences ancrées chez les acheteurs: “Ils ont peur de se retrouver +coincés+ sans accès à des stations de rechargement, les infrastructures restant extrêmement sporadiques” sur le réseau routier chinois, indique à l’AFP Namrita Chow, analyste du cabinet IHS Automotive.
Pourtant les constructeurs étrangers semblent y croire. Ce mois-ci le géant allemand Daimler et son partenaire chinois BYD (Build Your Dreams) ont dévoilé la “Denza”, voiture tout électrique conçue par leur filiale commune.
Tesla développe son réseau
Renault souhaite lui commercialiser sa Fluence électrique en Chine, pays où son allié Nissan propose déjà sa Leaf, une voiture également électrique.
Le constructeur américain Tesla, spécialisé dans l’électrique, a ouvert sa première boutique en Chine fin 2013, avant de réaliser ses premières livraisons au printemps, non sans accroc, ces dernières ayant accusé d’importants retard.
Mais le groupe a saisi l’importance de développer son réseau d’infrastructures pour rassurer ses clients. C’est également pour lui une question de visibilité.
Fort de quelque 200 stations de chargement dans le pays, Tesla a conclu fin août un accord avec l’opérateur télécom China Unicom pour construire 400 points de charge supplémentaires dans 120 villes, mettant à profit le réseau de boutiques du groupe chinois.
Cependant, le chemin semble encore long pour emporter l’adhésion des Chinois : en 2013, 17.650 véhicules “verts” ont été écoulés dans le pays, pour des ventes automobiles totales de 22 millions d’unités.
“La tendance tourne plutôt en faveur des véhicules hybrides (électricité/essence), qui offrent le choix de l’électrique tout en apaisant les inquiétudes” sur l’autonomie, souligne Namrita Chow.
Par ailleurs, “des gouvernements locaux offrent des subventions supplémentaires pour les véhicules hybrides, qui rendent ces modèles particulièrement compétitifs“.
Importants rabais fiscaux
Depuis le 1er septembre, le gouvernement consent une exemption de taxe pour l’achat d’un véhicule à énergie alternative, correspondant à environ 10% du prix net. A cela s’ajoutent d’autres primes spéciales de plusieurs milliers d’euros.
“Ils mettent en place des incitations fiscales tout à fait significatives”, se félicite Jérôme Stoll, directeur délégué à la performance de Renault. “Simplement cela profite aux véhicules qui sont fabriqués localement, sous une marque chinoise”.
La production de véhicules à énergie alternative à bondi de 328% sur un an sur les huit premiers mois de l’année, rappelle IHS Automotive.
“Evidemment, on est toujours sur des tout petits nombres. Ce qui est important, c’est qu’il y a une vraie volonté du gouvernement d’accélérer le développement du véhicule électrique en Chine”, poursuit M. Stoll, qui s’exprimait en marge du prix de Formule E de Pékin, belle vitrine pour la marque au losange.
Au-delà de l’aspect commercial, le développement des véhicules électriques est de plus en plus considéré comme une nécessité de santé publique dans un pays aux métropoles asphyxiées par la circulation automobile.
“Il faut être patient, mais la voiture électrique est franchement la seule réponse totalement efficace aux problèmes d’émissions et de pollution que connaît la Chine“, confiait fin 2013 à l’AFP le président de Renault, Carlos Ghosn.
“De manière générale, quand le gouvernement chinois se fixe un objectif, il peut peut-être tarder à l’atteindre, mais il ne le change pas: il y aura donc un décollage de la voiture électrique en Chine, et nous sommes prêts“.
Le climat actuellement optimiste autour de la voiture électrique pourrait cependant se troubler pour les constructeurs étrangers, qui observent d’un oeil inquiet les vastes enquêtes antimonopoles récemment lancées par les autorités chinoises et les premières sanctions qui tombent.