Après le Royaume-Uni cet été, c’est au tour du Luxembourg de tenter l’aventure de la finance islamique. Hier, le grand-duché a émis 200 millions d’euros de « sukuk », ces obligations qui obéissent à la charia (la loi islamique). C’est le premier pays de la zone euro à émettre ce type de produits.
[…] « Le pays a dû changer sa loi, car un “sukuk” suppose un montage très particulier, par lequel l’Etat cède certains de ses actifs à un véhicule dédié », poursuit le banquier. Pour obtenir l’agrément d’un collège de charia, le produit ne doit pas offrir d’intérêts mais des flux financiers qui proviennent d’actifs tangibles. Concrètement, le Luxembourg a cédé des immeubles qui lui appartiennent à un véhicule étatique, qui lui loue les biens en retour. Le loyer sert au versement des intérêts. […]Le Luxembourg a effectué des tournées de présentation auprès des investisseurs notamment en Malaisie, au Qatar et au Royaume-Uni. Pour un résultat payant : l’émission a été plus de deux fois souscrite. Sans surprise, les acheteurs du Proche-Orient ont emporté le gros de l’émission (61 %), devant l’Europe (20 %) et le Royaume-Uni (19 %). […]
2014 s’annonce déjà comme une très bonne année pour le marché des « sukuk », avec plus de 33 milliards de dollars émis par des Etats et des entreprises dans le monde, soit un bond de 45 % (à date), d’après Dealogic. De plus en plus d’émetteurs non musulmans se laissent séduire : outre le Royaume-Uni et le Luxembourg, l’Afrique du Sud a aussi placé des obligations islamiques, pour 500 millions de dollars il y a quelques semaines. La banque Goldman Sachs a aussi procédé à une émission remarquée en septembre, pour un montant de 500 millions de dollars. « Goldman Sachs est le quatrième émetteur américain à faire des “sukuk”, et le premier depuis l’opération de General Electric en 2009 », rappelle Dealogic.
Et la France ? Elle n’a toujours pas franchi le pas, malgré les initiatives lancées en 2009 par Christine Lagarde, alors ministre de l’Economie, qui ambitionnait d’attirer 100 milliards d’euros d’investissements. L’intégration des principes issus de la loi islamique bute sur des « aspects sociaux et politiques », selon Moody’s.