Le 30 septembre dernier, le général de brigade Moussa Kamali, responsable iranien pour la conscription, a annoncé que le service militaire obligatoire serait allongé de 21 à 24 mois.
Le service militaire a constitué un point de discorde entre les jeunes et l’État depuis plus de 30 ans, et ce même de puis la révolution de 1979. Tous les jeunes iraniens doivent se présenter pour le service militaires dès l’âge de 18 ans. Les étudiants bénéficient toutefois d’une exemption temporaire, tandis que les autres ne peuvent compter que sur une exemption pour raison médicale ou s’ils ont en charge leurs parents âgés.
Selon les statistiques, il y a chaque année environ 2 million de diplômés universitaires en Iran. A moins qu’ils bénéficient d’une exemption temporaire ou permanente, il doivent se présenter dans un centre du service militaire l’année suivant l’obtention de leur diplôme. Ne pas le faire revient à rallonger son service de 3 à 6 mois.
Quitter l’environnement de la fac pour une garnison militaire est source de stress et d’anxiété pour de nombreux jeunes étudiants. “J’ai sérieusement pensé devenir fou lorsque j’ai entendu qu’ils avaient ajouté 3 mois de plus au service obligatoire” dit Adel, un étudiant diplômé en électronique de la Nasir Toosi University of Technology de Khajeh. ” Si je suis supposé me retrouver dans une garnison militaire, alors j’aurai du y aller après mon bac quand j’avais 18 ans. Le temps de service était plus court alors. Ça va faire 2 ans de ma vie ! ”
En 2009, le service militaire avait été raccourci à 18 mois. Il avait même été raccourci davantage pour les titulaires d’un bac, d’un master ou d’un doctorat, de 1 à 3 mois. Quoiqu’il en soit, en 2012, le service a été fixé à 21 mois pour tous les citoyens. Cette année et en 2015, il passera à 24 mois.
Medhi Karroubi, un candidat à l’élection présidentielle de 2009 et un des meneurs du mouvement vert (mouvement de contestation social post élection de 2009, style révolution colorée – Fortune ndlr) avait affirmé que la réforme de la loi relative au service nationale serait une priorité s’il était élu. Son idée était de professionnaliser le service militaire en Iran. Ceux qui s’abstiendraient de servir devraient payer une redevance et suivre un programme d’entrainement de 60 jours.
En 1999, le parlement iranien avait proposé d’autoriser les hommes à payer eux-mêmes une redevance d’exemption du service militaire dont le montant était fonction de leur niveau éducatif, de 1,3 à 2,5 million de tomans (1200 à 1800 euros). Les conservateurs avaient critiqué cette proposition arguant qu’elle était discriminante pour les moins aisés. A la fin de l’année, la proposition avait été complétement abandonnée.
Après l’imposition des sanctions occidentales à l’Iran, le niveau des revenus, provenant largement de l’industrie pétrolière, a diminué de manière radicale. Avec comme résultat, une baisse substantielle du budget alloué à l’armée au cours des 3 dernières années – une réalité qui a affecté la solde des militaires et les conditions de vie des garnisons.
En avril, le général de brigade Hamid Sadr Sadat, le chef de l’organisation du service militaire annonçait : “La proposition qui a été confirmé par le Parlement, au sujet de l’augmentation des salaires des soldats figure toujours à l’agenda de l’organisation”.
Toutefois, en octobre dernier, Esmaeil Kowsari, membre du parlement à Téhéran et ancien directeur de la Sepah (banque des forces armées – Fortune NDLR) déclarait à Tasnim News qu’il n’y avait aucun budget d’alloué à cette question.
Selon les autorités de l’organisation du service militaire, le salaire des soldats varie de 23 à 28 euros par mois. Au de-là de ça, les soldats n’ont pas un niveau de vie acceptable.
Alireza a effectué son service militaire après avoir obtenu son doctorat en pharmacie. Racontant à Al Monitor ses 2 mois de programme d’entrainement dans une garnison de Téhéran,
il affirme que les soldats souffrent de malnutrition.
“les légumes, les fruits, les produits laitiers et les autres sources de calcium et de vitamines étaient inexistants. La qualité de la nourriture était désastreuse, mais ce n’était pas le seul problème. L’autre, c’était la quantité de riz et de viande. Par exemple, ils ne pouvaient mettre que
20 grammes de viande dans un ragoût. Tout le monde avait constamment faim”.
En février 2014, Esmaeil Ahmadi Moghaddam, chef des forces de l’ordre confirmait que les soldats rencontraient des problèmes de malnutrition : “Notre faible budget ne nous autorise pas à distribuer aux soldats une nourriture riche en protéines et en vitamines”.
Un membre du Front de Participation à l’Iran Islamique (Mosharekat – parti politique réformiste d’Iran – Fortune ndlr) à affirmé à Al Monitor sous couvert d’anonymat :
“ce service obligatoire relève principalement de la politique de force et de contrôle. Au même titre que l’obligation de porter le hijab. L’établissement veut maintenir son contrôle sur la jeunesse du pays.
Lorsque des jeunes hommes avec un niveau éducatif élevé passent beaucoup de temps dans une garnison militaire, leur santé mentale et physique déclinent. C’est difficile de comprendre pourquoi un gouvernement ferait subir cela à son propre capital humain et social.”
Il a ajouté : “Ce que je ne comprends pas, quoiqu’il en soit, c’est la raison pour laquelle ils augmentent la durée du service militaire obligatoire au regard de notre situation actuelle et de la crise économique. Lorsque l’on a pas un budget [suffisant] pour les forces armées, pourquoi ajouter 3 mois au service militaire ?”
Certains pensent que la décision d’allonger le service est en lien avec la récente politique du gouvernement iranien pour encourager les parents à faire plus d’enfants.
Durant son annonce du 30 septembre, le général de brigade Kamali à ajouté au sujet de la nouvelle loi que
“les soldats mariés verraient leur service raccourci de 3 mois. Et à chaque enfant, une autre période de 3 mois sera retranchée. En d’autres termes, si un militaire est marié et à un enfant, son service est diminué de 6 mois.”
Une autorité de l’organisation du service militaire à déclaré à Al Monitor, “on ne comprenait pas vraiment pourquoi ils ont ajouté 3 mois au service obligatoire, à moins que ce soit réellement pour encourager les jeunes à avoir des enfants.”
Elle croit aussi que cela pourrait être en rapport avec l’augmentation du chômage et l’actuel déclin économique.
“Bien, de cette manière, chacun de ces jeunes hommes devra passer 3 mois de pus dans une garnison, ce qui est mieux que de rester à la maison et d’être sans travail”.
(Traduction libre par Fortune)