Carton en librairie, omniprésence en plateaux télé et radio, Éric Zemmour et son dernier livre, “Le suicide français”, saturent l’espace médiatique. À tel point que notre contributrice n’en peut plus. Elle ne veut plus le voir.
“Monsieur Zemmour,
Mon nom est Soraya Addi. Je suis algérienne et française. Je suis née à Paris de parents algériens, j’ai vécu 11 ans en Algérie, 16 ans en France, un an aux États-Unis, 2 ans au Mexique. Je peux débattre ou plaisanter en quatre langues et j’ai une richesse culturelle, philosophique et sociologique dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. Et je ne compte pas arrêter mon tour du monde à cela.
Je ne rentrerai pas dans les détails de votre discours et de vos arguments affligeants, et je vous avouerai dès à présent que je n’ai pas lu votre livre.
Je vous connais “grâce” aux controverses et débats idiots que vous lancez, et chaque visionnage de vidéos que je trouve sur YouTube est une véritable torture pour l’être pensant que je suis.
Je ne les regarde d’ailleurs que très rarement jusqu’au bout et me suis promise de ne plus me soumettre à votre vision triste et tronquée du monde que nous partageons. Cette lettre est donc de ma part un adieu et un exorcisme.
Un de vos crédos est “chacun chez soi” lorsque vous abordez le sujet de l’immigration. Que les choses soient claires, je rejette catégoriquement cette affirmation réduite et incorrecte. Le monde est chez moi car je suis un être vivant.
Les frontières artificielles et les prétendues barrières culturelles ne m’intéressent pas et n’existent pas dans mon monde.
J’imagine que votre prochain livre concernera les conséquences désastreuses de la migration des pigeons voyageurs sans papiers, sans visa et pire encore, sans pouvoir d’achat qui viennent voler les miettes de pain des français sur les places publiques.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde interconnecté, une guerre au Moyen-Orient affecte le prix auquel vous achetez votre essence ou menace la fourniture en gaz de “votre” continent. Le monde entier est chez moi, chez vous, aujourd’hui plus que jamais. Si vous avez fait le choix de vivre votre vie là où vous êtes né, là où vous avez grandi, c’est votre choix, mais vous n’avez en aucun cas, ne serait-ce que le pouvoir de conseiller aux autres de se limiter à ce même choix.
(…)
Vous abordez et expliquez votre point de vue de petit homme empli de vos peurs, de vos faiblesses et de votre frustration transformée en haine car vous pensez que l’important dans la vie est de se fermer au monde, de se recroqueviller et d’essayer d’arrêter le temps.
Or en tout temps nous avons exploré d’autres contrées. Il y a encore 50 ans, c’était par la violence et la colonisation ; aujourd’hui, c’est par une volonté de survie ou de partage.
Je vous laisserai en citant une jeune femme voilée de 17 ans qui il y a quelques jours a remporté le Prix Nobel de la paix :
“This is what my soul is telling me : Be peaceful and love everyone.”
J’espère qu’à présent vous comprenez que la seule chose s’interposant entre un prix de la paix et vous, c’est la haine que vous cultivez et dans laquelle vous vous complaisez.
Cordialement et Adieu.
Complément : Attali , ‘un pays, c’est comme un hôtel’