Tribune de Gérard Fussman, professeur au Collège de France (chaire d’« Histoire du monde indien ») sur l’Etat islamique.
Le départ de tant de citoyens occidentaux pour le djihad, dont beaucoup de Français et de convertis récents, montre à quel point nos gouvernants et la population ont peu pris conscience du désespoir de jeunes gens que ni l’école ni l’emploi n’ont intégré dans notre tissu social. La gauche dans l’opposition le dit depuis des années. La gauche au pouvoir n’a rien fait et même rien dit.
Si la donne ne change pas, si nous ne réglons pas le problème social et si nous ne donnons pas, par l’école, à ces jeunes gens le moyen de comprendre par eux-mêmes que la religion n’est pas une excuse à la barbarie et à l’archaïsme social, il n’y a pas lieu d’être optimiste. Ce n’est pas une raison pour abandonner le combat.
C’est entendu, l’« Etat islamique en Irak et au Levant » (EIIL), aujourd’hui autodénommé califat ou « Etat islamique » (EI),a des pratiques barbares. C’est entendu, ses troupes sont exclusivement musulmanes, sunnites et extrêmement croyantes. C’est entendu, ses pratiques s’inspirent de l’assassinat de 800 juifs de Médine par le Prophète en 627. Et puisque les musulmans sunnites de la région n’ont pas voulu ou pas pu le détruire, ce n’est pas un scandale, mais un soulagement, que les Occidentaux interviennent et soutiennent militairement ses ennemis. Mais ne nous laissons pas abuser par les mots et l’émotion. La barbarie n’est pas propre à l’islam ni caractéristique de celui-ci. […]
Mais ne nous laissons pas abuser par les mots et l’émotion. La barbarie n’est pas propre à l’islam ni caractéristique de celui-ci. […]
Il ne faut pas avoir d’illusions. Si jamais les bombardements et le réarmement des troupes irakiennes réussissent à anéantir l’Etat islamique tel que nous le connaissons aujourd’hui, le mouvement renaîtra de ses cendres sous une autre forme, car il s’appuie sur des frustrations sans cesse ravivées résultant d’une vision, pas entièrement fausse, du passé arabo-musulman et de l’impérialisme. […]